Robert CRUMB


Un dessin du grand Robert Crumb dans lequel certains d'entre nous pourraient se reconnaitre... ou reconnaitre un ami !!!

#0050 Colum McCANN


Ce roman parle de New York, d'amour, de mariages mixtes, de terrassiers qui creusent des tunnels, de batisseurs de gratte-ciel qui dansent sur les poutrelles à des dizaines de mètres au dessus de la ville. C'est peut-être le premier vrai roman consacré aux sans-abri, à ceux qui vivent au dessous et à l'écart de la cité prospère. On sent que McCann a fréquenté ces lieux.
McCANN Colum, Les saisons de la nuit (The side of brightness), 1998, Belfond 10-18 / 1998, Trad. Marie Claude Peugeot

Notes: "Régime de silence et de coups de pelle que seul rompt très occasionnellement le gospel de Walker: Seigneur, j'ai pas vu un coucher de soleil / Depuis que j'suis descendu là / Non, j'ai rien vu qui ressemble à un coucher de soleil / depuis que j'suis descendu là" (p.19) "il écoute à la radio la musique qui se présente, se donnant rarement la peine de tourner le bouton à moins qu'il ne soit sûr d'entendre du jazz" (p.67) "Une musique de jazz éclate autour de lui et il se met à danser tout seul comme un fou dans son logement" (p.68) "Eleanor aime bien arriver un peu en retard pour se laisser porter par le grand flot de gospels qui l'accueille quand elle ouvre la porte" (p.115) "L'aiguille du phono broute sur un vieux disque de jazz: Louis Armstrong. Ah! ce tempo. Ce rythme fabuleux! Ces retombées syncopées" (p.148) "Il a horreur d'entendre le grand Daniel Louis Armstrong arrêté dans son élan" (p.150) "Maxine a chanté une chanson de Mary Lou Williams. Un soir on est allé au Métropole et on a entendu Henry Red Allen souffler dans sa trompette en costume et en cravate. Pom, pom ! Il est vraiment rigolo" (p162) "Ici les stations de radio sont pas terribles -on entend à peu près que Nat King Cole. Mais j'écoute le vieux Rex" (p.164) "Une chanteuse de jazz lui lance un regard provocant du haut de son estrade et passe sa langue rose sur ses lèvres d'un air lubrique" (p.195) "La voix de Louis Armstrong jaillit du tourne-disques et berce tendrement son supplice" (p.197) "Et il s'est mis à chanter ce blues qui va pas du tout avec le violon: Seigneur, j'suis tellement au fond du trou, quand je lève les yeux, il me semble que j'vois que le fond" (p.282).
Aussi cités: Bill Broonzy, Jimi Hendrix, James Brown.

#0049 Simone de BEAUVOIR


Journal de voyage de 4 mois en Amérique en 1947 avec une approche très naïve (pour rester poli). Un peu de musique, de politique, de tourisme et beaucoup d'énormes énormités.
BEAUVOIR Simone de, L'Amérique au jour le jour, 1948, Paul Morihien / ReEd. Gallimard & Folio N°2943
Notes; "Ils (les noirs) dansent comme il leur est naturel de danser, il faut une parfaite détente intérieure pour se laisser si totalement posséder par la musique et le rythme du jazz […] J'écoute le jazz, je regarde la danse […] Le Savoy est le plus grand dancing de New York, c'est à dire du monde […] Et ce jazz est peut être le meilleur du monde […] Quand j'entendais du jazz à Paris, quand je voyais danser des noirs, l'instant ne se suffisait jamais tout à fait à lui-même, il m'annonçait autre chose, une réalité plus achevée dont il n'était qu'un incertain reflet" (p.42-43) "Nous avons été d'abord 52° rue chez Billie Holiday. Un public clairsemé écoute un orchestre sans éclat en attendant que Billie chante […] On raconte qu'elle se drogue et qu'elle ne chante plus que rarement […] Il paraît que l'an dernier le jazz était de première qualité" (p.48) "J'écoutais à Paris l'orchestre de Don Redman […] Carnegie Hall […] Armstrong apparaît au milieu des applaudissements frénétiques […] Mais Armstrong se fait vieux. A présent il ne joue plus guère que dans des buts commerciaux avec un de ces orchestres trop vastes où l'intimité et la vérité du jazz se perdent […] Et le public accueille avec autant d'enthousiasme cette musique pour diners dansants que le jazz authentique" (p.55-56) "Le blanc ne joue pas assez hot et le noir lui met la main sur le bras en roulant des yeux suppliants: plus vite !" (p.195) "New Orleans […] mais ce que nous désirons c'est entendre du vrai jazz joué par des noirs; ou n'y en a-t-il plus en Amérique ? […] Tout de suite nous sommes prises, cette musique ne ressemble en rien à celle de Café Society, ni même à celle de Harlem, les trois noirs jouent avec passion, pour eux mêmes […] ils nous font penser au jeune homme à la trompette de Dorothy Baker, ils sont sans doute de ces jeunes gens qui étouffent dans la civilisation américaine et pour qui la musique noire est une porte d'évasion" (p.218-220) "C'est ici, dans ces boites modestes, chez ces musiciens inconnus, que le jazz, plus qu'a Carnegie Hall ou même au Savoy, atteint une vraie dignité" (p.223) "Nous écoutons du vieux jazz, des Louis Armstrong de la grande époque, des airs de Bessie Smith, la chanteuse noire qui mourut des suites d'un accident d'automobile parce qu'on refusa de l'admettre dans un hopital blanc" (p.256) "Nous emmène entendre sur la 52° rue le trompette Sydney Bechet (sic ! c'est pas tombé loin !). C'est un des derniers musiciens qui joue dans le pur style de la Nouvelle Orleans; il a été célébre en Amérique, il a joué aussi en France à Paris, il a tué un autre musicien noir au cours d'une rixe; il a fait une année de prison au cours de laquelle ses cheveux sont devenus tout blancs, c'est aujourd'hui un vieil homme au visage raviné […] Mais Bechet ne pouvait rêver un public plus digne de son génie que la femme au visage noir, au tablier blanc qui apparaît de temps à autre par une petite porte derrière l'estrade. C'est sans doute la cuisinière […] en la regardant on comprend mieux encore la grandeur du jazz qu'en entendant Bechet même […] Mais ce qu'on lui sert ce n'est jamais du jazz, c'est du Sinatra ou du Bing Crosby, ce sont ces mélodies sucrées qu'on appelle sweet music et qui sont aussi douceâtres que les sweet potatoes […] ceux mêmes qui prétendent aimer le vrai jazz le dénaturent; et comme les noirs ne gagnent leur vie que par la clientèle des blancs, ils se font nécessairement complices de cette perversion. Quand on compare Bechet, ou les petits orchestres de New Orleans, ou les vieux disques d'Armstrong et Bessie Smith avec le jazz qui est en vogue aujourd'hui, on se rend compte que les Américains ont peu à peu vidé cette musique brûlante de tout son contenu humain et sensible […] Ce qui plait aux Américains dans le jazz, c'est que le jazz manifeste l'instant; mais comme pour eux l'instant est abstrait, c'est aussi une manifestation abstraite qu'ils réclament, ils veulent du bruit, des rythmes, rien de plus, il se peut que bruits et rythmes soient orchestrés avec art, avec science, de manière qu'indéfiniment le présent renaisse de sa mort, mais le sens du vieux jazz est perdu. A. E. me dit que la forme la plus récente du jazz, le be-bop, manifeste encore plus clairement cette divergence" (p.257-260) "Possèdent un magnifique pick-up et une immense collection de disques où le vieux jazz prédomine comme chez tous les intellectuels que je connais (p.263) "A minuit, je retourne entendre avec N. le trompette Sidney Bechet (sic, c'est le même !). Un de ses jeunes admirateurs blancs joue du saxophone à ces côtés" (p.272) "Même Josh White, quand je l'entends de nouveau au Café Society, je me rends compte que son audace est tempérée par un tact sur, il se maintient soigneusement sur le terrain où un public libéral peut risquer de s'aventurer; comment ferait-il autrement, il a une femme et trois enfants, il faut qu'il plaise, s'il mettait son vrai cœur à nu il n'aurait plus qu'a aller cirer les souliers au coin des rues" (p. 308) "parmi les musiciens blancs qui ont su s'assimiler (sic !) la musique noire, beaucoup sont Juifs. Ce n'est pas un hasard si Mezzrow qui vécut à Harlem après avoir épousé une femme noire, et qui ne voulait fréquenter que des noirs était Juif (sic ! Mezzrow était Juif ? Je croyais qu'il était clarinettiste !)" (p.314) "l'orchestre joue ce jazz nouveau: le be-bop. Les blancs s'empressent de défigurer ce que les noirs inventent, et les noirs reprennent docilement à leur compte ces déformations. Les musiciens jouent ici un jazz qui, au lieu de s'inscrire dans la tradition de New Orleans comme le be-bop originel, n'est que l'expression haletante, exaspérée de la fièvre New Yorkaise […] si bien que ces nigger-lovers, comme les appelleraient les gens du Sud, sont pour la plupart des aigris, des malades, des individus névrotiques, des faibles rongés de complexe d'infériorité. Que Mezzrow aille vivre à Harlem et préfère systématiquement les noirs aux blancs relève de cette attitude. Richard Wright la trouve néfaste" (p.340-341) (sic ! je fatigue, je vais me taper un petit noir ! Simone m'a tuer !).

#0048 Michel BOUJUT


Polar dont le personnage principal n'est autre que Louis Armstrong, poursuivi jusqu'à Paris, par des tueurs de la mafia New-Yorkaise alors qu'il coule des jours tranquilles à Bougival avec sa smala, dans une villa mise à sa disposition par la pétulante Bricktop, reine des nuits de Pigalle. C'est sur le rythme syncopé de la trompette d'Armstrong, que nous entraîne ce récit picaresque dont les figurants s'appellent, entre autres, Joséphine Baker, Robert Desnos, Al Brown, Henry Miller, Howard Hughes, Hugues Panassié et le jeune Boris Vian...
BOUJUT Michel, Souffler n'est pas jouer, 2000, Rivages N°140

Notes: "Sur l'estrade en acajou de chez Bricktop, le cabaret chic de la rue Pigalle, le quintette à cordes joue une romance au swing léger. Grappelli, le violoniste, et Django, le manouche, à la guitare […] Il y a quelque chose de volatile et de mélancolique dans leurs improvisations à patte d'oiseau. Assis à une table, devant l'estrade, Jean Cocteau, très entouré, dessine de fines arabesques de ses blanches mains d'artiste, en suivant la musique […] Ada Smith, dite Bricktop, à cause de ses cheveux teints en roux, la maîtresse de céans, veille à la bonne ordonnance de la soirée […] Elle navigue de table en table, un boa bleu ciel sur ses épaules nues, souriante et vive. Une lumière douce tombe des plafonniers sur le décor rouge et or" (p.17). Etc.

#0047 Jean COCTEAU


COCTEAU Jean, Mon premier voyage (Tour du monde en 80 jours), 1936, Gallimard
Notes: "Harlem c'est la chaudière de la machine et sa jeunesse noire qui trépigne, le charbon qui l'alimente et qui imprime le mouvement […] New York éprise de cathédrales, d'orgues, de cierges, de gargouilles, de burlesques, de ménestrels, de mysticisme et de mystères, est secouée par le rythme noir" (p.215) "Le Lindy Hop, qui règne depuis cinq ans, est une gavotte nègre. Il se danse au Savoy, le dancing noir de Harlem. Une longue salle basse entourée d'une balustrade. Au milieu, la piste et l'orchestre. Autour, un promenoir, des loges et des tables où les spectateurs et les danseurs consomment des boissons naïves […] Soudain l'orchestre ressuscite, les morts qui dansent s'éveillent de l'hypnose et le Lindy Hop les secoue. Sur quelle herbe ont-ils marché ? Sur la marihuana, l'herbe qui se fume et qui grise. Ces grosses négresses en cheveux et ces petites filles dont la poitrine se cabre et dont pointe la croupe, le chapeau placé comme une gifle, deviennent un lasso que les noirs déroulent et enroulent à bout de bras […] au bar Onyx […] le Swing a remplacé le Jazz. C'est le terme nouveau qui désigne un band noir dont la musique tourne et vous boxe l'âme. Au bout de cette petite cave étroite se démènent, sur une estrade, les cinq nègres de l'orchestre le plus pur […] Même un Armstrong qu'on croyait de diamant s'est laissé corrompre. Le rêve de ces Ford construites avec des ficelles et des boîtes de conserve est de devenir Rolls Royce et l'orchestre symphonique qui monte des profondeurs, les smokings blancs, les saxophones de nickel éclaboussés de lumière, seront la perte de ces vieux tambours, de ces vieilles trompettes et de ces vieux chapeaux. Le drummer est un nègre d'origine indienne. Il roule son tonnerre et jette ses foudres, l'œil au ciel. Un couteau d'ivoire miroite entre ses lèvres. Près de lui les jeunes loustics d'une noce de campagne se disputent le microphone, s'arrachent de la bouche des lambeaux de musique saignante et s'excitent jusqu'à devenir fous et à rendre folle la clientèle qui encombre les tables. Lorsque le swing s'arrête, un roulement de caisse accompagne les acclamations et les saluts des choristes […] Après une stupeur de catastrophe, le Swing empoigne le Boléro de Ravel, le déchire, le malaxe, le scalpe, l'écorche vif, entortille autour de son baton monotone les pampres écarlates d'un tyrse-vaudou" (p.217-219).

#0046 Frank CONROY


A New York, dans les années quarante, un enfant regarde, à travers les barreaux du soupirail du sous-sol ou il est enfermé, les chaussures des passants sur le trottoir. Pauvre, sans aucune autre protection que celle d'une mère excentrique, Claude Rawlings semble destiné à demeurer spectateur d'un monde inaccessible. Dans la chambre du fond, enseveli sous une montagne de vieux papiers, il découvre un petit piano blanc désaccordé. En déchiffrant les secrets de son clavier, Claude, comme par magie, va se découvrir lui-même. Il est musicien. Ce livre est l'histoire d'un homme dont la vie est transfigurée par la découverte d'un don.
CONROY Frank, Corps et âme (Body and soul), 1993, Gallimard Du Monde Entier 1996, Trad. Nadia Akrouf

Notes: " Ceci est la partition de Honeysuckle Rose, un morceau de Fats Waller […] Il se mit à jouer la mélodie, des deux mains, à un rythme modéré, ses doigts se mouvant apparemment sans effort sur le clavier. When I'm taking sips, chanta-t-il d'une voix éraillée, From your tasty lips" (p.28-29) "Claude […] travaillait The choo-choo boogie, l'un des nombreux airs de blues et de boogie qu'il avait trouvés dans la banquette […] Le rythme était aussi puissant et implacable que la locomotive qui illustrait la première page de la partition" (p.65) "Claude joua un boogie-woogie, s'y donnant à fond, faisant de l'épate. -Eh ! où qu't'as appris à jouer c'truc, mec ? C'est du Meade Lux Lewis !" (p.81) "jouer, laissant échapper un grommellement étouffé du fond de sa gorge, mâchonnant sa lèvre inférieure comme un homme dans la souffrance. Il joua sans interruption des strides et des boogies pendant plus d'une heure, les mains martelant, les bras pompant, la tête et le torse immobiles […] Ce fut une tempête de notes et Claude, fasciné, regarda les bras de l'homme se croiser et se décroiser, se déplacer ensemble et séparément, et ses doigts, fonctionnant à une vitesse incroyable, arracher des thèmes limpides à une lame de fond presque irrésistible de musique" (p.83) "J'aime aussi le boogie-woogie. -Ah ouais ? Ben, c'est du blues. Et le blues, mon vieux, tout part de là […] Tu connais les Bird's changes du blues ? […] Les changements pour le be-bop […] N'oublie pas d'écouter Art Tatum. Il va vite, vite, vite, et il swingue. Des mains comme des serpents, tu vois ? Elles s'ouvrent grand comme ça, comme un serpent qui écarquille la gueule, tu sais, large, encore plus large, tellement large que c'est impossible […] Va chez Minton et écoute" (p.138-139) "C'est juste cette phrase, qui se répète, sauf qu'ici c'est un mi, et là un mi bémol. Il joua rapidement les douze mesures. Tu vois ? Ça s'appelle Blues in the closet […] C'est la façon de noter le jazz. Ils n'écrivent pas tout […] Un musicien de jazz que j'ai rencontré un jour me les a donnés. Ils ont été inventés par un saxophoniste nommé Charlie Parker […] Le plus étonnant, c'est que ça marche avec toutes les lignes de blues […] Il joua les accords de Parker sur une mélodie de blues non répétitive appelée The swinging shepard blues, puis sur une mélodie plutôt difficile, de Parker lui-même […] Au lieu d'attendre sur la tonique pendant quatre mesures avant d'aller à la sous-dominante, il nous trace le chemin. Il nous porte là-bas. Et j'adore le changement du majeur au mineur. Ils appellent ça le be-bop […] C'était censé être sauvage -de la musique sauvage […] Mais en réalité, ça vient tout droit de Bach. Je veux dire, Bach aurait pu facilement écrire les accords du blues […] Parker est incroyablement créatif. Ses trucs sont pleins de contrepoints, de cycles. C'est du baroque, vraiment" (p.173-174) "Le son vif du saxo alto de Parker déchira l'air d'une ligne de blues syncopée […] le pianiste du disque commença à jouer le cycle de quintes fondé sur les changements du be-bop de Parker […] on eût dit que le be-bop était l'accompagnement de la musique sérielle et vice versa" (p.212) "J'ai essayé de jouer du jazz. Improvisé sur un motif d'accords d'un musicien que j'aime bien, Art Tatum […] Rachmaninov a dit un jour qu'il souhaiterait jouer aussi bien que Tatum" (p.232) "Lorsqu'il eut terminé le Gershwin, il se lança sans interruption dans Carolina shout, de James P. Johnson, arrachant les strides de la main gauche à un tempo dangereusement rapide. L'énergie irradiait dans toutes les directions, le piano semblait devenir incandescent […] Il attaqua Ripples of the nile, de Lucky Roberts, un vieux stride à casser la baraque […] il commença à mêler Art Tatum à Fats Waller à Jelly Roll Morton en une avalanche ininterrompue de jazz" (p.325) "joua très doucement la version d'Art Tatum de Tea for two pour se détendre les doigts […] Tatum était un maître […] Où puis-je entendre du jazz ? […] Vous jouez du jazz, au Castle ? J'aimerais venir. -Ce n'est qu'un trio. Chez Ronnie Scott, il y a un véritable orchestre. De bons musiciens" (p.476-477) "Sais-tu ce qui est arrivé à Miles Davis ? […] Il jouait au Birdland et faisait le tour du pâté de maisons pour respirer un peu d'air frais […] un flic lui ordonne de circuler […] le frappe avec son bâton. […] Ce type est si fragile" (p.485) "De l'autre côté de la porte capitonnée leur parvenaient les sonorités d'un trio qui jouait How high the moon. Lorsqu'ils pénétrèrent dans l'obscurité enfumée, Claude nota avec satisfaction que le pianiste utilisait des accords altérés intéressants au lieu des standards habituels […] Les trois hommes jouaient avec une intimité apparemment facile, se passant et se repassant des petites figures et des phrases comme dans un jeu de balle compliquée, sans jamais interrompre la ligne de l'air qu'ils interprétaient. Ellington, Monk, Horace Silver […] Claude était impressionné par la complexité de ses improvisations. Musicien éclectique, il semblait capable de s'inspirer de nombreux pianistes de jazz célèbres. Il pouvait faire le truc d'Erroll Garner -la main gauche comme un métronome, la main droite se décalant en arrière ou en avant du temps- sans faire de l'Erroll Garner. Il pouvait jouer à la façon percutante de Horace Silver puis, utilisant peut-être un bridge, planer sur les barres de mesures à la Bill Evans" (p.488-489) "Le jazz est tout sauf une musique primitive" (p.490) "J'ai entendu Coltrane et Elvin Jones" (p.491) "Zoot Sims vient chez Ronnie" (p.492) "La musique reprit […] I'll remember april. Green dolphin street. Slow boat to China […] Honeysuckle rose ? -Honey suck my nose ! […] Claude attendit un chorus entier pour s'imprégner des accords […] Ils improvisèrent en alternant les chorus sur des lignes de be-bop qui semblaient rouler sur des croches, chacun des deux hommes reprenant la suite de la structure élaborée par l'autre […] Reggie et le Comte accentuèrent le rythme par de subtiles explosions syncopées […] Les deux hommes, au piano, rivalisaient de virtuosité, swinguaient de plus en plus fort. Ils défonçaient la mélodie" (p.493-494).

#0045 Truman CAPOTE


Les héros sont une troupe de chanteurs noirs allant de Berlin à Leningrad pour y jouer Porgy and Bess de Gershwin. Capote a suivi la tournée comme correspondant du New Yorker. Il a écrit son reportage en notant les moindres incidents, les paroles les plus insignifiantes et aussi les plus révélatrices des membres de la troupe ou des officiels russes qui la recevaient. Il a reproduit minutieusement les quelques aspects de la vie soviètique qu'il a pu observer. C'était en 1958...
CAPOTE Truman, Les muses parlent (The muses are heard), ????, Gallimard 1959, Trad. Jean Dutour

Notes: "Les Russes connaissent la musique de Gershwin, dit-il. Un de mes amis russes m'a même dit qu'a une soirée ou il se trouvait, trois invités avaient chanté Bess, you is my woman de bout en bout" (p.18) "En 1952, lorsque Breen et son associé, Blevins Davis, avaient repris l'opéra de Gershwin, le rôle de Porgy était tenu par William Warfield, celui de Bess par Leontyne Price et celui de Sportin' Life par Cab Calloway" (p.43) "Tous les soirs, de huit heures à minuit, un orchestre de jazz dispense ses mélodies au Tout-Leningrad, qui danse rarement, et considère d'un air morose les bulles qui se forment dans les verres de champagne sirupeux de Georgie" (p.124) "Sa voix s'enfla et il finit par beugler en russe quelque chose qui rappelait vaguement la mélodie de Saint Louis blues" (p.174) "Les musiciens de l'hotel ne firent aucune objection. Ils étaient tous des fanas du jazz américain, l'un d'eux, même, grand admirateur de Dizzy Gillespie, avait édifié une considérable discothèque en enregistrant des émissions étrangères sur de vieilles plaques de radiographie (sic !)" (p.200) "L'orchestre donnait une version très intimiste de Somebody loves me, et les danseurs écoutaient avec des visages extasiés, transfigurés, la voix rauque de Lamar qui chantait: Who can it be oh may-de ba-by may-be it's you ! Mme Nervitzky dansait bien, mais elle était toute contractée, et ses mains étaient de glace. -J'adore la musique des nègres (en français dans le texte). C'est si pervers, si malsain !" (p.205-206) "Le pasteur, un vieux monsieur gentil, nous a demandé si on voulait chanter un spiritual" (p.209) "Nous ne sommes pas habitués à des danses aussi réalistes, ni au jazz joué par un orchestre symphonique" (p.251).

#0044 Nat HENTOFF


Une faune de toxicos et de trafiquants, de putes et de macs, de voleurs et d'assasins... et de flics. En cas de pépin, motus et bouche cousue, ce qui fait que le malheureux Noah Green a bien du mal à enquêter sur les demi cadavres retrouvés dans des poubelles...
HENTOFF Nat, La police des polices (The man from internal affairs), 1985, Série Noire 1986, Trad. M. Watkins
Notes: "Vous n'avez jamais entendu ce disque de Fats Waller, En douceur ?" (p.13) "J'entends d'ici Stevie Wonder avec une clarinette, une trompette bouchée et des cordes" (p.15) "Comme Billy Eckstine. Lisse, vraiment lisse, marqué par rien" (p.16) "Par exemple: quel pianiste d'avant garde aujourd'hui célébre a travaillé dans la petite formation de Johnny Hodges lorsque le Lapin a quitté le Duke ? Cecil Taylor !" (p.29) "Le juke box bourdonnait tout bas au rythme délicatement érotique du Misty d'Erroll Garner" (p.107) "En lisant Down Beat, secoua tristement la tête. Presque tous les géants ont disparu […] Qui soit seulement digne de porter l'instrument de Coleman Hawkins. Ou de lester Young. Ou de Coltrane. Personne. Une bande de minables qui ont étudié la composition à Yale ou autre part. Mais les géants ! Qui est-ce qui était qualifié pour leur accorder des diplomes à eux ?" (p.124) "J'ai dégotté un Billie Holiday que je n'avais pas" (p.146) "Si je ne laisses pas de mot, tout est à toi. Sauf les disques de Billie Holiday. Ils sont pour le bébé" (p.189) "Je n'aurais pas trouvé un Billie Holiday de Storyville. George Wein's Club à Boston ?" (p.221) "J'avais mes cassettes. Billie, Prez, les Big Ben, tu sais. Et la radio donnait de l'assez bonne country. Il doit y avoir du noir dans ce Merle Haggard […] Tout était aussi frais, aussi savoureux qu'un solo d'alto de Benny Carter" (p.277-278).
Pas musical, mais sage: " Quand on dépense de l'argent pour bouffer, qu'est-ce qui reste ? Mais si on achéte un livre où un disque".
Voir aussi du même auteur #0008 "Le diable et son jazz" en cliquant ICI

#0043 Jacques STERNBERG


De A à Z, sous forme d'abécédaire, voici des fragments d'une autobiographie, de l'enfance à l'an 2000. Avec du jazz, par un amateur. A lire même sans jazz… comme tout Sternberg.
STERNBERG Jacques, Profession: mortel. Fragments d'autobiographie, 2001, Les Belles Lettres
Notes: "puisque rien n'arrive plus à m'enthousiasmer alors qu'autrefois […] un haletant solo de Parker […] pouvait me rafaler jusqu'a l'ivresse de vivre et l'oubli de tout" (p.31) "les femmes qui ont quand même eu, dans ma vie, plus d'importance que le jazz" (p.33) "humour que je considère comme la seule révolution culturelle -avec la science-fiction et le jazz- de notre après-guerre" (p.52) "mon besoin de jazz qui me servait presque de came pour écrire" (p.53) "Même le jazz qui fut ma came pendant si longtemps ne me console plus. Mes trois mille disques demeurent sur mes étagères, muets, momifiés. Tout enthousiasme m'a quitté" (p.118) "Autrefois, il ne me serait jamais venu à l'esprit de sacrifier un disque d'Armstrong pour inviter une fille à diner ou d'hésiter entre un Lester Young et un lit de passe. Maintenant, cette question ne se pose même plus, je n'ai pas eu toutes les filles susceptibles de me faire encore bander, mais je possède tous les Armstrong et les Young capables de me faire rêver" (p.139) "J'ai mis très longtemps à réécouter du jazz quand j'ai complétement cessé de boire, même Parker, Armstrong, Lester Young, Coltrane, Ellington, Hawkins me laissaient froid" (p.154) "Et bien entendu, c'est encore le jazz qui reflète le plus exactement ce qui me fascine en littérature. J'ai idolâtré dès 1945 la fureur sonore boulimique d'Armstrong […] je me laisse emporter, cool and slow, au gré des volutes magico-neurasthéniques des Lester Young, Parker, Coltrane, Billie Holiday, mon quatuor morbide de choc" (p.168) "Ma passion culturelle la plus exaltante aura sans doute été celle du jazz. Elle remonte à mes 14 ans quand je ne manquais jamais de capter sur la petite radio de ma chambre l'émission de Ray Ventura dont le swing me faisait vibrer alors que j'ignorais encore l'existence du jazz noir américain. Il me faut attendre 1943 pour vibrer en écoutant un disque d'Ella Fitzgerald […] un vibrant solo de Louis Armstrong […] mes premiers 78 tours, des disques de Bechet, Ellington, Armstrong […] j'écrivis presque sans cesse au son du jazz […] ma ferveur et ma fascination pour les Parker, Young, Coltrane, Hawkins, Ellington, Henderson […] Et parmi mes 150 histoires brèves écrites ces dernières années, ce sont celles qui s'inspirent de la mer ou du jazz qui me tiennent le plus à coeur […] je n'ai jamais ressenti autant de fierté que le jour où un sévère critique de la grande presse s'émerveilla de retrouver dans mes romans délirants ce style haletant, inabouti, imprévisible qui rappelait celui de Parker. Ouais, ouais. Mais même si l'on retrouve parfois dans mes textes des entrelacements de phrases qui rappellent Charlie Parker, pour moi aucun jazzman n'aura jamais égalé celui que j'ai toujours admiré par dessus tout: Louis Armstrong, en particulier celui des années 26 à 30. Je ne vois pas quel écrivain aurait pu, comme Armstrong, cracher ses phrases avec une telle netteté, une telle évidence, une pareille fulgurance dans l'invention, en donnant à chaque mot une telle densité de tragique, tout cela pour se jouer avec une aisance royale des pires difficultés techniques. Et je ne comprenais que très mal comment un homme qui savait à peine déchiffrer une partition pouvait cracher dans un simple tuyau autant de sortilèges, d'invention, de dérapages fous d'une telle logique, d'envolées singulièrement libres et maitrisées dans la joie, la douleur, la colère ou la tendresse. Presque tous les autres trompettistes m'ont donné l'impression, par rapport à Armstrong, de jouer du clairon. Et peut-être que le solo hallucinant d'Armstrong sur le thème de Tight like this de 1928 demeure le chef-d'oeuvre de toute l'histoire du jazz. Pour moi, il plane, royal, au-dela de l'histoire de la musique" (p.236-238) "Chaque semaine, je ramenais à Paris mon butin: deux microsillons de jazz par jour, c'était le rythme d'achat que je m'étais imposé" (p.245) "Et mes disques, ça m'apporte quoi ces milliers de disques dont je connais par coeur les deux cents meilleurs et dont je n'ai jamais écouté qu'une seule et dernière fois tous les autres ?" (p.296).
Voir du même auteur #0010 "Histoires à mourir de vous" en cliquant ICI.

#0042 James PATTERSON


L'Amérique peut trembler ! Gary Soneji a réussi à s'évader. A Washington, à New York, ici, là ou ailleurs, n'importe ou, n'importe quand, des innocents vont payer. Avant de mourir, Gary va se venger. De la vie, mais surtout d'Alex Cross, ce sale flic qui avait osé l'arrêter.
PATTERSON James, Au chat et a la souris (Cat & mouse), 1997, Lattès 1999, Trad. Philippe R. Hupp
Notes: "Dans la salle du bas, Hilton Felton distillait son jazz envoûtant. Il était au piano six soirs par semaine, et le week-end, Ephrain Woolfolk l'accompagnait à la basse" (p.59) "Puis elle cria: cake-walk ! et se mit à danser. Une vieille mais énergique danse qui remonte aux temps des plantations, et que je lui avait apprise au piano. On trouve dans cette musique, mélange de rythmes d'Afrique occidentale, d'airs classiques et de marches militaires européennes, les racines du jazz moderne. A l'époque des plantations, les soirs de cake-walk, le meilleur danseur se voyait offrir un gateau. Et c'est ainsi qu'est née l'expression américaine: gagner le gateau […] Elle savait aussi faire l'elephant-walk de James Brown et le moon-walk de Michael Jackson" (p.109-110) "Le groupe latino céda la place à un big band qui joua une série de swings et s'aventura même sur les terres du blues. Curieusement, beaucoup de gens semblaient n'avoir pas oublié ce qu'était le jitterbug […] Quand l'orchestre attaqua le très romantique Moonglow, nous dûmes nous lever pour aller danser, comme attirés par la pesanteur" (p.179) "Réquisitionné au piano, je leur jouai 'S wonderful, puis une version jazzy de Jotta, jotta, jotta, jotta, jing, jing, jing" (p.227) "Pour terminer, je me mis au piano et chantai du rhythm and blues. Jannie, toujours prête à se donner en spectacle, dansa le cake-walk sur une version jazzy de Blueberry hill. Nana elle-même nous offrit une minute de jitterbug" (p.408).
Aussi cités: Elvis Costello, Tracy Bonham, Whitney Houston, Stevie Wonder, Kiss, Keith Jarrett, Bob Marley, Tom Braxton, Nat King Cole, Marvin Gaye, Patti Smith, les Doors, James Taylor, Talking Heads, Alanis Morissette, Melissa Etheridge, Blind Faith, Sting.

#0041 Reggie NADELSON


Artie Cohen remis des ténébreuses et dangereuses affaires de "Mercure rouge", est confronté à l'une des plus violentes organisations du crime, la mafia chinoise. Une enquête sur l'assassinat d'une jeune fille chinoise, retrouvée dans l'appartement d'un diamantaire, le conduira jusqu'en Chine.
NADELSON Reggie, Pavots brulants (Hot poppies), 1997, Bourgois Points 1997, Trad. Anne Wicke

Notes: "La chanson d'Ella Fitzgerald, sur Mott Street en juillet, me trotta dans la tête, avec la voix d'Ella, insistante comme dans un refrain publicitaire, mais quelles étaient donc les paroles ?" (p.32) "Je sais que tu es plutôt jazz Artie. Je me souviens de cela. M. Stan Getz, hein ? Et M. Tony Bennett. Et M. Art Tatum" (p.45) "Ou est ce disque de Tony Bennett que je t'ai offert ? Le disque noir, avec Bill Evans" (p.113) "C'est juste ce putain de Bing Crosby avec son pull Jacquard écossais et sa pipe, qui chante White Christmas, c'est tout" (p.115) "Je testai le système stéreo avec un ou deux CD que j'avais apportés pour ce faire, Gershwin jouant sa propre musique au piano et une version remixée du Potato head blues de Louis Armstrong. Un son magique, même un truc enregistré en mono en 1926 sortait merveilleusement. J'aurais voulu pouvoir emmener Satchmo faire un tour. Et George aussi (Il essaye une Cadillac !)" (p.238) "Les, qui jouait de la clarinette à San Francisco dans un trio de jazz, enseignait aussi la musique à l'Université de Berkeley" (p.298).
Aussi cités: Woody Guthrie, Fats Waller, Bruce Springsteen, Sarah Vaughan, James Taylor, Bee Gees, Barry Manilow, Frank Sinatra, Cole Porter, Fred Astaire, les Beatles, Rogers & Hart, Whitney Houston, Paul McCartney.
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