#0060 Mongo BETI


Mongo Beti est né au Cameroun. Agrégé de lettres, il a longtemps enseigné à Rouen. Depuis 1994, il est retourné vivre à Yaoundé ou il tient la "Librairie des peuples noirs".
Journaliste politique dans une capitale africaine, Zam traverse l'enfer de l'existence avec l'élégance de ceux qui abusent de l'alcool et du jazz. Il ne dérange personne. Alors, pourquoi lui voler sa collection de CD de jazz ?
BETI Mongo, Trop de soleil tue l'amour, 1999, Julliard
Notes: "Vol de Cd […] Il y avait là, je cite en vrac, Charlie Christian, From swing to bop […] Armstrong, The sunny side of the street […] Illinois Jacquet, Flying home […] Duke, It don't mean a thing avec Ivy Anderson […] Parker, Parker's mood et A Night in tunisia […] le Count, Tickle toe […] Buddy Tate, Mack the knife […] Four Brothers, Early autumn […] John Guarnieri, Autumn leaves […] Lady Day, Traveling all alone […] Clifford Brown, Jordu avec Max Roach […] Sonny Rollins, Saint Thomas […] Ella, Take the A train […] Bessie Smith, John Coltrane, Stan Getz, Miles Davis, Charles Mingus, Art Blackey & Messengers […] Surtout King Oliver, Deeper mouth blues […] il y avait même le Prez" (p.8-9) "regarde les Lester Young / Teddy Wilson, il y en a un avec une liste d'enregistrements commençant par All of me, comportant aussi, trois plages plus bas, Just you, just me. J'ai malheureusement oublié le label" (p.10) "C'était Deeper mouth blues, par Joe King Oliver […] C'est pour ainsi dire la première fois qu'on a joué du vrai jazz." (p.13) "C'est comme dans le blues, deux ou trois petites notes, un verre de gin, et c'est parti I went down to Saint James infirmary […] Comme beaucoup de jeunes paumés africains immigrés en Europe à l'époque, Eddie avait un moment tâté de la musique de jazz à Saint-Germain-des-Prés […] Il s'était découvert une idole en la personne du saxophoniste ténor de Harlem Eddie Lockjaw Davis"(p.42-43) "L'histoire que racontait le Prez dans Blue Lester ou Shoe shine boy, c'était exactement la mienne. La première fois que j'ai entendu These foolish things, j'ai pensé mourir ! As-tu entendu les chorus que Lester enfile à la suite dans Love me or leave me ?"(p.44-45) "Miles Davis et Charlie Parker jouant ensemble Round midnight, Miles à la trompette, rien d'étonnant, mais Charlie au saxophone ténor, circonstance quasiment sans précédent" (p.139) "Un jour, j'acquiers un disque intitulé Memorial Lester Young […] Je suis tout de suite accroché par l'interprétation par cet homme génial d'un thème très connu, Tea for two […] je suis bouleversé par une improvisation qui ne m'avait pas frappé jusque là […] c'était These foolish things" (p.153) "On dirait un blues de Sonny Boy Williamson. Eddie se mit aussitôt à chanter à la manière de ce musicien (le deuxième du nom, le pseudo, pas le vrai), mais sur l'air de Back o'town blues" (p.158) "des temps très forts ponctuaient à intervalles irréguliers des temps très faibles, à peine audibles, sur un fond de raclement, comme un solo de Kenny Clarke" (p.233) "Zam entendit presque instantanément le whisky glouglouter comme un boogie-woogie de Pine Top Smith" (p.235).

#0059 Fannie FLAGG


Fannie Flagg est née en Alabama. Productrice à succès de la télévision, elle est également comédienne. Dès sa parution aux Etats-Unis, "Beignets de tomates vertes" a battu tous les records de ventes... C'est une chronique du Sud profond de 1929 à 1988. Humour et nostalgie...
FLAGG Fannie, Beignets de tomates vertes (Fried green tomatoes at the Whistle Stop Cafe), 1987, J'ai Lu 1992, Trad. Philippe Rouard

Notes: "La voix de Bessie Smith domina un bref instant le brouhaha d'une plainte fugitive qui arracha un frisson à Artis. Oh, careless love … Oh, careless love … Les cuivres du jazz se mêlaient aux voix du blues quand il passa devant le Frolic Theatre, tenu dans tout le Sud pour être la plus belle salle de spectacles pour Noirs, on y donnait les meilleurs comédies musicales. Et Artis continuait d'avancer. Plus loin, Ethel Waters chantait What did I do to be so black and blue ? tandis que de l'autre côté de l'avenue, Ma Rainey lançait d'une voix bouleversante Hey, jailor, tell me what have I done ?. Et au Silver Moon Blue Note Club, le Red Hot Pepper Stomp d'Art Tatum entraînait les danseurs dans des shimmy-sham-shimmys endiablés" (p.147-148) "Black and tan fantasy, de Duke Ellington, est la dernière merveille sortie de chez Decca" (p.266) "Et puis la minceur des cloisons vous permettait d'écouter la radio ou le phonographe des voisins, et quand Bessie Smith chantait Je suis seule ce soir, tout le monde, dans Tin Top Alley, était désolé pour elle" (p.316) "Quand M'ma Threadgoode est morte, toutes les femmes de Troutville se sont rassemblées dans le jardin devant la fenêtre et se sont mises à chanter un de leurs négro spirituals, When I get to heaven, I'm gonna seat down and rest awhile. Je n'oublierai jamais ça. Vous n'avez jamais entendu chanter comme ça, j'en ai la chair de poule rien que d'y penser" (p.331) "Ils prendraient le tramway pour aller au Tuxedo Junction, où Count Basie -ou bien Cab Calloway ? était à l'affiche" (p.435).

#0058 Boris VIAN


Avec les scénarios: Le devin (1941-42), Un homme comme les autres (1941-42), La photo envoyée (1941-42), Notre Faust (ou Le vélo-xTai, 1942), Trop sérieux s'abstenir (1942), Histoire naturelle (ou Le marché noir, 1945), Zoneilles (1947), Marie-toi (1950-53), Avant-projet de scénario (1953), Le cow-boy de Normandie (1953), Le baron Annibal (1954), L'auto-stoppeur (1955), Tous les péchés de la terre (ou L'accident, 1956), Rue des ravissantes (1957), Fiesta (1958), De quoi je me mêle (1958), Strip-tease (1958), Faites-moi chanter (1958), J'irai cracher sur vos tombes (1959).
VIAN Boris, Notre Faust @ Rue des ravissantes & 18 autres scénarios cinématographiques, 1941-1959, Bourgois 1989
Notre Faust (ou Le vélo-xTai): "Tu sais qu'elle ne jure que par le jazz. -Je dois t'avouer, dit Pat en baissant le nez, que depuis six mois j'ai acheté une trompette de jazz et que je prends des leçons […] Il y aura comme guitariste Chaput et les trois autres ont déjà fait tous les tournois de jazz […] Ils entendirent une note sortie du gosier d'une trompette, note tenue, suraigüe, étincelante […] Un stomp allègre dont les notes cuivrées s'égrenaient, magnifiquement soutenues per un fond de contrebasse, guitare, piano et batterie […] Quelques brefs éclats du cuivre et du saxo, et un fox irrésistible entraînait dans un mouvement rythmé […] Venez répéter au Hot Club avec nous. C'est sympa, vous y trouverez Ekyan, Chiboust et les autres […] Jacques, rue Chaptal, attendit dans la discothèque […] C'était Joseph Reinhardt qui entrait. Jacques écoutait un disque de la collection du HCF. Delaunay, assis à son bureau […] Pat détaillait les premières mesures d'un air léger mis à la mode récemment par le quintette, et les cinq se perdaient dans une improvisation magistrale […] Tenez, dit Delaunay, en tendant un saxo à Pat […] Pat exécuta un contrechant magnifique au solo de Barelli. La batterie s'était déchaînée et dans la petite cave […] Spectateurs qui oscillaient, possédés par le swing terrifiant qui émanait du jeu de Pat. Le morceau allait se terminer, trompette et saxo, quand débuta un chorus de clarinette. Rostaing était arrivé, accompagné de (illisible) qui prit le chorus d'après sur son saxo ténor et ils finirent l'air dans un mouvement puissant, sous les applaudissements […] Pour la première fois en France, l'orchestre de Pat du Mont va jouer pour vous quelques morceaux de jazz. Tout d'abord, voici En swinguant à Pleyel. Le morceau, excellent, comporta un solo de trompette de Pat […] Dans le morceau suivant, après un éclatant début de l'orchestre, on pouvait entendre une série de solos de Pat, séparés par des breaks de batterie destinés à lui permettre de changer d'instrument […] Les vieux vendeurs de programmes eux-mêmes s'agitaient, frénétiques, emportés par le démon du swing […] Avec cinq donzelles des plus swing".

#0057 Margaret WALKER


Margaret Walker est l'arrière petite fille de Vyry, son héroïne, esclave noire de Georgie. Professeur de lettres à Jackson, Mississipi, elle a achevé ce livre un siècle exactement après la date de l'émancipation de son ancêtre.
Comme dans presque tous les romans, et ils sont nombreux, qui ont pour personnages les Noirs et pour cadre le Sud au temps de l'esclavage, il sera mention de chants et de cantiques. Surtout des cantiques. Car dans les familles ayant de la religion, le blues était banni.
WALKER Margaret, Jubilee (Jubilee), 1966, Seuil 1968, Trad. Jean-Michel Jasienko
Notes: "A l'occasion de ces réunions, tous chantaient en cœur des chants magnifiques, des chants pleins de ferveur, qui faisaient sur Vyry une profonde impression et qu'elle essayait de retenir dans sa mémoire, pour pouvoir se les chanter à tous moments" (p.48) "Tante Sally aimait chanter aux réunions de l'Eglise de la Résurrection, et elle chantait parfois après le travail, surtout par les beaux soirs d'été" (p.74) "Plus tard, les esclaves se réunirent devant la maison pour la prière et chantèrent des cantiques à l'intention des invités" (p.112) "Alors les nègres chantèrent leurs cantiques de Noël" (p.138) "Les esclaves avaient organisé une grande fête, on entendait les violons et le banjo, quelqu'un chantait Oh Sally vient par ici, oh Sally vient par là, tous reprenaient en chœur au refrain" (p.139) "La partie musicale fut assurée par un chœur blanc, en tuniques noires, qui chanta des cantiques, un chœur d'esclaves, qui chantèrent des spirituals , une soliste blanche, qui chanta Prends ton vol comme l'oiseau, et un violoniste noir, qui gratta des notes plaintives au-dessus de la fosse" (p.187) "Parfois, en travaillant, Vyry se surprenait à chanter. Quand ils l'entendaient chanter, les enfants s'arrêtaient de jouer et s'approchaient d'elle, car ils aimaient ces chants -les vieux cantiques des esclaves que chantait tante Sally et aussi les tendres et gracieuses romances du temps de la guerre" (p.282) "Vyry revivait le culte auquel elle venait de participer. Elle entendait les chants, le sermon, les témoignages émouvants. Elle éprouvait la joie intense du dernier cantique de la soirée" (p.360).

#0056 Dominique ZAY


ZAY Dominique, Dingue de swing, 1989, Fleuve Noir
Un trompettiste de jazz ne devrait jamais jouer les détectives. Après il faut improviser pour sauver sa peau…Lecture facile. L'intrigue policière est légère mais ce n'est pas le principal pour le lecteur amateur de jazz. Le plus amusant, c'est la distribution. Chet, le héros trompettiste qui finit par jouer My funny Valentine est témoin d'un meurtre. Il est poursuivi par les méchants Brownie et les frères Brecker, Randy et Mickey, qui travaillent pour le satanique professeur Roy Hubbard. Il y a un mac qui s'appelle Terry. L'inspecteur principal Navarro essaye de résoudre l'affaire mais il a, comme adjoint un ripoux Kinney. Chet se fait aider par son ami Quincy (un malin), fils de Fats et époux d'Anita. Un gars qui s'appelle Cozy et que l'on ne voit pas (sa femme martèle la porte métallique de sa baraque). Une salope, Helena Shavers. Max, un batteur. Dans un club, Sarah Bowie chante The man I love, accompagnée par Oscar le contrebassiste et Harold le ténor. Le barman est un brave gars qui s'appelle Tadd.
Bon, vous devez connaître tout le monde maintenant. Ah oui, tout ce petit monde se tasse dans 180 pages divisées en 4: Intro, Thème, Solo et Final. C'est bien de jazz qu'il s'agit et, malgré les quelques coups de feu tirés au fil des pages, cela ressemble bien à un règlement de comptes entre souffleurs !
Autre musiciens cités pour la bande son: Gerry Mulligan, Miles Davis, Dinah Washington, Satchmo, Lester Young, Zoot Sims, Billie Holiday, Sonny Rollins, Bird, Chico, Count Basie, John Coltrane, Duke, Herbie Hancock.

#0055 Tony CARTANO


CARTANO Tony, American boulevard. De Washington à Los Angeles par la route du Sud, 1992, Julliard
Notes: "Entre deux averses orageuses, des jazzmen noirs du cru jouent en quintette sur une estrade dressée dans Forsyth Park […] Entre les solos de saxo tenor et de trompette, loin dans le ciel gris, retentit le tonnerre. Le riff du batteur en parut ridicule, mais l'orchestre sympathique ne s'en laissait pas conter, swinguant de plus belle" (p.51-52) "Dynamisée par son clin d'œil ironique au public surchauffé, Joyce Cobb agrippe le micro d'une main, son harmonica de l'autre, et se lance dans un grass-root blues endiablé. Le solide quartet du King's Palace Cafe Orchestra soutient le swing étonnant de la chanteuse noire […] Jusqu'ici, Joyce et ses musiciens se sont permis d'intercaler, de temps à autre, un ou deux standards de variété au milieu des classiques du jazz […] A des qualités vocales à la Sarah Vaughan, Joyce Cooper associe un tempérament digne d'Aretha Franklin. Le ton monte, s'accélèrent les syncopes d'un rhythm & blues sacrément efficace […] Depuis longtemps, dès les années 1900, Memphis et Beale Street sont au cœur de l'histoire du blues et du jazz. (Paroles, en français, de Beale Street blues) Ainsi s'exprimait W.C. Handy (1873-1958), le Père du Blues […] De nombreux bluesmen, et non des moindres, connurent cette situation, Memphis Slim, Big Joe Williams, John Lee Hooker, ou B. B. King qui vient, d'ailleurs, d'ouvrir un club dans Beale Street" (p.69-70) "Le Peabody […] La belle époque ou les clients s'appelaient William Faulkner, Paul Whiteman (le chef d'orchestre et compositeur), ou Dorothy Lamour lors du tournage à Memphis du film Saint Louis blues en 1939. Les orchestres de Tommy Dorsey et de Harry James créent le fond sonore […] Du jazz blanc, interprété par des blancs, pour des blancs" (p.80) "Clarksdale, lieu mythique où est né le blues, le chant profond du Delta! […] John Lee Hooker, Ike Turner, Little Junior Parker, Sam Cooke et j'en passe, sont tous nés à Clarksdale. Le célèbre Muddy Waters y brûla sa jeunesse, avant de monter à Chicago […] The Stackhouse, Delta Record Mart […] Jim O'Neal […] Rooster Blues […] Living Blues Magazine […] Les Delta Cats seront au Blue Diamond […] Booba Barnes and The Playboys, des enfants de Clarksdale, sous le label Rooster. Et le plus extraordinaire disque de blues que j'aie entendu depuis longtemps: Midnight prowler de Frank Frost, sous la marque Earwig […] Un juke box se met à hurler une marche swinguée de Glenn Miller, bien blanche et militaire. Des fois qu'on confonde! […] La conclusion, je serais tenté de la donner à Big Jack Jackson dit The oil man, qui chante le blues dans les juke-joints de Clarksdale: "C'est pas si pire qu'avant. Le blues est devenu moins triste." Et d'enchaîner aussitôt sur un couplet à propos de la guerre du Golfe. A fendre l'âme […] Le génie des créateurs locaux, de Faulkner à Eudora Welty pour la littérature, ou de Muddy Waters à B. B. King pour la musique […] Grièvement blessée, la grande chanteuse Bessie Smith est transportée à l'hôpital de Clarksdale où elle mourra […] Dans les années 60, le dramaturge américain Edward Albee tira une pièce de ce drame: La Mort De Bessie Smith […] Dans Blue Spirit blues, Bessie Smith chantait: Now it's ashes to ashes, sweet papa, dust to dust, / I said ashes to ashes, I mean dust to dust / Now show me the man any woman can trust" (p.93-98) "Un saxo jouait Stormy weather sur le trottoir […] Leur style, un mélange de la poésie inspirée par l'expérience des Noirs américains à l'époque de Martin Luther King Jr. et d'improvisation jazzy à la Ornette Coleman ou Don Cherry" (p.186-187).

#0054 Charlotte CARTER


Poète afro-américain, Charlotte Carter vit à New York et enseigne la création littéraire à Rutgers University. Elle participe à des revues et travaille comme correctrice dans une maison d'édition. Elle a vécu à Chicago, au Canada, en Afrique du Nord et en France. Elle est passionnée depuis toujours par la littérature policière
CARTER Charlotte, A la baguette (Drumsticks), 2000, Bourgois Policiers 2000, Trad. Michel Doury
D'abord, tous les chapitres ont des titres de standards jazz. Puis, c'est une histoire policière qui finit bien pour notre héroine Nanette, jeune saxophoniste noire.
Notes: "D'un ton agressif, j'ai demandé: -Qui a dit du mal de Charlie Rouse ? Bon Dieu, je ferai la peau au premier qui dira du mal de Charlie Rouse !" (p.7) "Voilà qui ne m'était jamais venu à l'idée, The topless lady saxophonist. Je serais certaine d'avoir ma place dans les annales du jazz" (p.16) "J'ai préparé le diner en écoutant le Lady Day / Lester Young que je préfère, et j'ai repassé This year's kisses deux ou trois fois" (p.23) "Un vieux monsieur bien propre apparemment porté sur le martini m'a fait jouer Save your love for me trois fois de suite" (p.28) "Pas du tout le style des clubs enfumés où Monk, Charlie Rouse, Art Tatum ou Max Roach (ajoutez le nom qu'il vous plaira) ont accédé à la gloire" (p.35) "J'ai attaqué avec Blue gardenia […] J'ai enchainé avec Gone with the wind et Street of dreams […] J'ai joué What's new, Just friends, Prelude to a kiss […] Elle voulait On the street where you live […] J'ai joué Imagination pendant qu'il s'occupait de deux clients, et quand j'ai attaqué Out of this world, il a applaudi" (p.60-61) "J'ai fini par lui raconter que je jouais du saxophone dans la rue, ce que bien entendu mon papa et ma maman ignoraient" (p.105) "Huit lamentations d'Abbey Lincoln, avec un bouleversant Love for sale" (p.126) "Mon café à la main, j'ai écouté Charlie Rouse dans Japanese folk song. Je me suis dit que j'allais changer le CD avant d'en arriver à l'hymne Blessed assurance (encore que sur l'étiquette on lise This is my story, This is my song) […] Et il faudrait davantage de courage que pour simplement entendre This is my story, ou I'll be seeing you, ou encore We'll be together again" (p.137) "J'ai eu droit à une version débile de Laura, puis à un pot-pourri du malheureux Jo Stafford (sic ! Je ne savais pas que c'était un homme! C'est bien imité !), ensuite aux Ray Coniff Singers dans Dontcha go 'way mad" (p.183) "Le CD qui m'obsédait à l'époque, Jimmy Scott. Il était vieux maintenant et cette voix étrange et surnaturelle le montrait assez. Il avait consacré son talent à un bizarre répertoire -comme Sorry d'Elton John." (p.244).
Aussi cités: Nancy Wilson, Stevie Wonder, Johnny Cash, Clifford Brown, Sarah Vaughan, Whitney Houston, Della Reese, Sammy Davis, Harry Belafonte, John Coltrane, Edith Piaf, Wynton Marsalis, Thelonious Monk, Big Mama Thornton, Fats Domino, Johnny Ace, Irma Thomas, Etta James, Rolling Stones, Barry White, Dexter Gordon.
Special Littérature et Jazz: "Emprunté à la bibliothèque une anthologie de Langston Hughes et une petite édition reliée en cuir de Cane, par Jean Toomer." (p.87).

#0053 Josef SKVORECKY


Recueil d'essais publiés par JS avant son départ de Tchécoslovaquie en 1968 : Je suis né à Nachod, Comment j'ai appris l'allemand et plus tard l'anglais, Lire en liberté, Red music, Le camarade joueur de jazz, et un Interview à Prague. L'auteur raconte les moments les plus noirs de l'histoire de ce siècle par la chronique d'un petit peuple d'Europe Centrale. Il raconte aussi sa passion du jazz qui le soutient face aux événements. Une autobiographie suivie d'une interview à Prague en 1968. Le jazz est particulièrement présent dans les chapitres: Comment j'ai appris l'anglais, Red music et dans l'interview.

SKVORECKY Josef, Le camarade joueur de jazz (Talkin' Moscow blues), 1988, Anatolia 1996 / ReEd. 10-18 N°3078, Trad. Philippe Blanchard
Comment j'ai appris l'anglais: "J'entendais les saxophones de Chick Webb et je compris en un instant le sens de l'expression "musique des sphères". J'entendais également une voix magnifique qui s'élevait au dessus des saxophones, et qui chantait dans la langue des cow-boys. J'écoutai attentivement. Je compris la première phrase: I've got a guy. La deuxième était plus difficile, et elle semblait contenir une erreur grammaticale: He don't dress me in sable […] la troisième phrase: He looks nothing like Gable […] vint une phrase facile: But he's mine […] j'ignorais alors que c'était Ella Fitzgerald, car, à cette époque, on ne s'intéressait pas au chanteur, ce qui comptait c'était le groupe dont le nom était sur l'étiquette […] A nouveau la phrase compréhensible: I've got a guy, puis When he starts into je ne sais quoi, Bet me ? Beat me ? Bit me ? Le sens du mot petting était inconnu en Bohême"
Red music: "je jouai du saxophone ténor […] Et quoi qu'en dise Leroi Jones, l'essence de cette musique, de cette façon de faire de la musique, n'est pas simplement la contestation. C'est quelque chose de bien plus fondamental: un élan vital, un puissant enthousiasme, une explosion d'énergie créatrice, époustouflante comme toute forme d'art authentique, que l'on ressent jusque dans le plus triste des blues […] Fondamentalement, nous aimions cette musique que nous appelions jazz, et qui était en fait du swing, l'enfant métissé de Chicago et de la Nouvelle Orleans […] ce vieux 78 tours Brunswick qui tournait sur un phonographe à manivelle, avec son étiquette ou on lisait à peine: I've got a guy, Chick Webb And His Orchestra With Vocal Chorus […] chanteuse inconnue […] il s'agissait de la grande Ella Fitzgerald, alors âgée de dix-sept ans […] Il y avait même un orchestre de jazz à Buchenwald, composé essentiellement de prisonniers tchèques et français. Cette époque ajoutait l'absurde à la cruauté: on était envoyé derrière les barbelés au nom même de la musique que l'on jouait dans leur enceinte […] Nous étions persuadés que Casa Loma était le nom d'un chef d'orchestre américain, un homme de la taille de Jimmy Lunceford, Chick Webb, Andy Kirk, le duc d'Ellington (Ellington avait rejoint la noblesse grâce à un traducteur tchèque qui avait trouvé son nom dans un roman américain et qui avait conclu qu'il devait s'agir d'un membre de l'aristocratie anglaise réduit par la pauvreté à gagner sa vie comme chef d'orchestre au Cotton Club), Count Basie, Louis Armstrong, Tommy Dorsey, Benny Goodman, Glenn Miller -vous n'en trouverez pas un que nous ne connaissions. Et pourtant, nous ignorions tout […] Il y avait un film suédois […] Swing it, magistern ! […] Nous tombâmes tous amoureux de la chanteuse […] Alice Babs Nielsson […] beaucoup plus tard, elle enregistra un disque avec Duke Ellington […] copie du film Sun valley serenade […] J'étais imperméable à l'intrigue hollywoodienne, mais hypnotisé par Glenn Miller […] la bande son de In the mood où Chattanooga choo choo […] A la place de Kenton, ils poussèrent Paul Robeson, comme nous le haïssions, cet apôtre noir qui acceptait de donner des récitals en plein air à Prague ! […] Nous montâmes une revue intitulée Really the blues (titre emprunté à Mezz Mezzrow) […] les années soixante virent se multiplier les festivals internationaux de jazz financés par le gouvernement. La scène du Lucerna de Prague résonna des notes de Don Cherry, du modern Jazz Quartet et de Ted Curson […] Le jazz, ce n'est pas de la musique. C'est l'amour de la jeunesse qui reste solidement ancré dans l'âme, à jamais inaltérable, tandis que la musique évolue, c'est l'appel éternel des saxophones de Jimmy Lunceford […] pour moi, le Duke est parti, Count Basie survit difficilement à une crise cardiaque, Little Jimmy Rushing s'en est allé où va toute chair anybody asks you -who it was sang this song, -tell them it was -he's been there and gone. Telle est l'épitaphe des petits Five-by-Five. Telle est l'épitaphe que je souhaite à mes livres".
Interview: Pas de citations mais une réponse émouvante à la question: Votre relation avec le jazz est, bien entendu, très particulière ? "Je vais vous dire: parfois, il m'arrive de me sentir seul et, soudain, j'entends du jazz, et c'est comme si on venait de me faire une piqûre d'un stimulant très puissant. Ce n'est pas seulement une question d'esthétique. Le jazz va plus profond; c'est une force psychologique, une merveilleuse force qui me donne de la joie et qui colore toute ma vie affective. C'est une source de plaisir sans fin, un des éléments de ma vie que le temps n'a pas détruit. Je ne suis pas collectionneur, je ne me mets pas dans un coin pour écouter des disques. Je ne pourrai probablement pas répondre correctement à une seule question d'un jeu sur le jazz. Mais j'aime cette musique anonyme. Récemment, je me suis aperçu que je n'avais pas écrit un seul livre dans lequel le jazz ne joue pas un rôle. Le jazz, et tout ce qu'il représente, est pour moi, une des clés de l'entreprise humaine. Il y a également d'autres courants qui entrent dans mon attitude vis à vis du jazz - des souvenirs du temps de la guerre, le rôle qu'il joua pour nous durant ces lugubres années, le fait qu'il était plus ou moins interdit, mais tout cela n'a que peu d'importance. Le jazz est, par dessus tout, une sorte de fraternité".
Voir aussi du même auteur #0015 "Le saxophone basse et autres nouvelles" en cliquant ICI.

#0052 Dominique RENAUD


Né en 1961, Renaud a publié en 1995 un premier polar "Mort à l'appel".
RENAUD Dominique, Etat d'arme, 1998, Hors Commerce Hors Noir
Notes: "Il mit une pièce dans la fente du juke-box, sélectionna un tube de Ray Charles. Il n'avait pas vraiment le choix, et il voulait écouter du jazz. Le jazz, Renucci aimait. Un jour, alors qu'il était môme, son frère lui avait fait écouter Mazz Mazzrow (sic !) sur un phono et ça avait fait tilt dans ses oreilles de gamin. Il s'était alors trouvé un vieux tuyau chez un retraité de la fanfare puis chauffé les doigts en s'entraînant la nuit dans un sous-sol désaffecté en compagnie d'un groupe qui faisait le bœuf le samedi soir" (p.10) "C'est lui qui le premier lui avait fait connaître Thelonious Monk à une époque ou Coleman ne jurait que par Ray Charles et Nat King Cole. Pour l'inspecteur, ç'avait (sic !) été un choc, quelque chose de comparable à ceux qui, dans les années 40, découvraient le son du Bird en se demandant si il ne s'agissait pas d'un extra-terrestre" (p.24) "Le batteur donna le signal. Le quartet commença sur Cherokee, un standard, Renucci semblait aux anges. Il adorait ce thème des années 40 qu'il avait écouté la première fois interprété par Clifford Brown. Les musiciens s'essayèrent à quelques riffs avant d'enchaîner sur une composition de Monk, tandis que le pied de l'inspecteur continuait de battre la mesure […] A coup sûr il aurait préféré un jazz d'ambiance, banal comme une musique de variété, pour s'entretenir avec le vieux. Ce jazz-là était trop généreux pour qu'il ait eu envie de penser à autre chose" (p.51-52) "Les musiciens débutèrent sur une composition de John Coltrane, en contrepoint au bebop qui avait empli la salle peu de temps auparavant" (p.55) "Ses yeux tombèrent sur les photos de Bessie Smith et de Nina Simone" (p.56) "Dès les premières mesures, Coleman reconnut la trompette de Chet Baker. Un blanc qui se débrouillait sacrément bien" (p.59) Scène X non censurée: "Tu sais à quoi elle me fait penser quand elle est dressée comme ça ? -Non. -A la trompette de Gillespie. -Merde, quel compliment!" (p.61) "Coleman jeta un œil sur le nom du musicien: Miles Davis. Il sourit […] Sachant que son ami se refusait à écouter un jazzman qui avait osé critiquer le jeu de Monk" (p.91) "Coleman se versa une dose en repassant dans sa tête les premières mesures de Naima. Version Village Vanguard. New York 1966. Ces lignes au swing sublime qui faisaient penser à un sermon. Renucci lui en avait fait écouter plusieurs versions -toutes de John Coltrane. Il songea à ces nuits entières, quasi religieuses, qu'ils avaient passés ensemble à écouter successivement Parker et Coltrane" (p.177) "Le phono était allumé et passait un disque de Bud Powell en sourdine" (p.179) "Du jour où tu m'as amené dans cette boîte de jazz pour me faire voir et écouter Thelonious Monk. Himself. En 64, si je ne me trompe" (p.181) "Il avait découvert le jazz à l'âge de douze ans et lui en avait fait profiter aussitôt. Saxo-trompette. Une belle paire. La musique les avait liés […] Il aimait Clifford Brown, la nuit et les baltringues" (p.192).
Aussi cités: Joséphine Baker, Bob Dylan, Juliette Gréco.

#0051 Jean PEROL


Jean Pérol est né en 1932. Il est l'auteur de plusieurs recueils de poèmes. Il a vécu de nombreuses années à Tokyo ainsi qu'à la Nouvelle Orleans.
PEROL Jean, La Nouvelle Orleans, 1992, Champ Vallon, Des Villes
Notes: "Par conséquent, comment s'étonner de cette plainte qui lentement a pris naissance et s'est rythmée, et devint chant, musique, pour flotter sur cet écart, sur tout l'injuste du malheur. Musique qui ne pouvait naître qu'ici, puisque métisse de tous les souffles. Et comme ces grands et hauts vols d'oiseaux qui s'élancent et s'élèvent des cyprières hérissées de leurs pieux noirs, le jazz, le Razzy dazzy jazzy spasm, accueilli à son début dans les seules maisons closes, a franchi la clôture, s'est élevé et s'est donné aux hommes" (p.17) "Oui, dans New Orleans, ses orages du soir, ses fleurs multipliées, son jazz s'exitant juste au cœur de la nuit" (p.37) "Des bribes, des bulles de musique de jazz, portées de temps en temps par le vent, parvenaient du Vieux Carré jusqu'à nous" (p.38) "Chaque année pour le Festival de Jazz et le Mardi Gras de New Orleans, se produit un groupe de jazzmen noirs, emplumés des pieds à la tête en jaune éclatant, rouge, noir, vert et autres couleurs tout aussi hardies […] Ils chantent en chorus d'étranges paroles de refrain, données ainsi par des revues de jazz du French Quarter et de la communauté noire: Two way Park E way ! / Two way Park E way !" (p.56-57) "Et puisque le jazz est sorti de son cocon à Congo Square et Storyville" (p.64) "Ce qui explique aujourd'hui encore ces tenues baroques, ces ombrelles à breloques, ces boas de plumes, qu'arborent les groupes de noirs pour les parades de jazz, que ce soit au Festival de Jazz ou dans les rues du French Quarter" (p.93) "Jelly Roll Morton, le pianiste de jazz, et qui débuta à Storyville, disait qu'il devait la trajectoire de sa carrière aux séances auxquelles l'avait fait participer sa marraine, prêtresse vaudou" (p.95) "Elle se souvient tout à coup que son seul réel plaisir et sa seule vraie paix étaient d'écouter les blues joués par les musiciens noirs de Storyville" (p.100) "Il eut un enfant qu'il prénomma Sidney. Qui sera le Sidney des années cinquante de ma jeunesse aux premières nuits nuits de la pinède de Juan-les-Pins […] Lui dont la clarinette devint célèbre par ses duos avec le Prof Tony Jackson, pianiste génial des grands bordels de Storyville. Sidney, lui qui disait représenter le savoir des mulâtres mûri par le chagrin des noirs, finalement très proche et plus court chemin pour remonter à Basin street et Congo Square […] Quand Sidney vint jouer à Juan-les-Pins, j'en avais vingt, sur la selle de ma moto. Quand j'ai écouté Louis Armstrong pour son dernier concert live au japon, j'en avais trente, dans un monde qui changeait" (p.105-106).
Chapitre Jazz me, daddy: "La vieille porte de Preservation Hall. Tarif modeste, entrée modeste, et la salle l'est encore plus […] Ici, bat un peu, encore, la mémoire du vieux et simple jazz, de celui qui fit naître, et que firent naître, les Armstrong, Bechet, Kid Ory, celui des gros cœurs, la source mère irrigante […] Quand, quelques années plus tard, il enregistre en 1927 son mémorable solo de trompette dans Savoy's blues avec Loly Johnson à la guitare, et Kid Ory au trombone dans ses glissandos New Orleans, Louis n'a plus qu'a mener le jazz sur les chemins de la gloire, et de la plus grande des fraternités […] The Razzy Dazzy Jazzy Spasm Band. ça commençait à swinguer fort. Le mot jazz était parti pour sa trajectoire étonnante et entrait dans l'histoire de la musique […] Mais il est certain que cette musique qui fit battre un peu plus vite le cœur des jazzbelles de Basin Street, a fait bouger le monde entier d'une maniètre peu ordinaire" (p.107-114).