Brice HOMS


J'ai reçu un commentaire aimable de Brice Homs qui m'informe que son roman (#0021 Blue) est en cours d'adaptation pour le cinéma aux Etats Unis. J'ai voulu lui répondre et, ne trouvant pas son blog, j'ai cherché sur le web. Surprise ! Il tient un superbe site qui m'a appris les diverses activités qui l'occupaient: écrire des chansons pour de nombreux artistes, des scénarios de cinémas, jouer de la guitare, vivre entre la France et la Louisiane et bien d'autres choses. Rendez lui visite ICI.

#0040 Simone ARESE


La comtesse Marie Thérèse Barubé de Damiette médite une révolution. Remplacer Chopin et Schubert par du jazz lors du concert qu'elle donne chaque année pour le cercle fermé de sa famille et de ses amis au début de l'été. L'arrivée des musiciens, cette faune particulière, ajoutée aux flammes d'un buffet Antillais, aura des effets dévastateurs sur la vie d'un hameau auparavant tranquille.
ARESE Simone, Madame la comtesse préfère le jazz, 1999, Du Rocher

Notes: "oui, elle oserait inviter des musiciens de jazz. Elle était allée en écouter quelque fois, dans des salles de spectacles, comme n'importe quelle roturière, se surprenant alors à taper du pied et secouer le tête en mesure […] il savait que son épouse, trente troisième comtesse du nom, qui interprétait si merveilleusement Chopin sur leur grand queue laqué noir, s'encanaillait à suivre des cours de musique nègre, deux fois par semaine" (p.9) "La comtesse crut découvrir que le jazz rendait incontinent, et elle se promit de poser la question au médecin qui soignait les prémices de sa ménopause" (p.16) "On annoncait le dernier morceau de la répétition: Saint Louis blues […] le temps qu'avait duré la répétition, elle avait subi le viril ascendant du saxophoniste […] Au moment où elle annonça Satin doll au public, il se jura de la conquérir avant la fin de la nuit" (p.17) "Le clarinettiste abandonna un temps de souffler dans son instrument pour chanter Georgia en parodiant Ray Charles […] se balança en cadence quand on interpréta Tea For Two […] La comtesse proposa de rejouer Satin Doll" (p.26).

#0039 Ishmael REED


REED Ishmael, Mumbo jumbo (Mumbo jumbo), 1972, Seuil 1975 / ReEd. L'Olivier, Trad. Gérard H. Durand
Ce délire verbal et musical évoque l'impossible rencontre de Richard Wright, Jack Kerouac et l'Art Ensemble of Chicago, ou James Baldwin, Boris Vian et Sun Ra. Il décrit la lutte éternelle entre l'Occident colonisateur, monothéiste et prosélyte et l'Afrique accueillante, polythéiste et tolérante. L'arme des Noirs-Américains: Djeuze Grou (jus'grew, le juste poussé), le chant qui naît-comme-ça, pousse-comme-ça et met en relation le peuple noir d'Amérique avec ses divinités et sa culture d'origine. En deux mots: le blues et le jazz, sous toutes leurs formes. Comme: "Djeuze Grou, ce Quelque Chose qui a permis à Charlie Parker d'escalader les gammes pour atteindre un Everest. Vole, plonge, glisse, s'élève puis c'est la vitesse divine, c'est la voix par-delà la voix d'Otis Redding, c'est Djeuze Grou qui se glisse du saxophone de John Coltrane" (p. 273-274).

#0038 Susie MORGENSTERN


MORGENSTERN Susie, La première fois que j'ai eu 16 ans, 1989, L'École Des Loisirs / ReEd. Médium.
Notes "Je dirige mes notes vers le sous-sol, des gammes infernales, des exercices rebutants, pizzicati pénibles. Je fais des muscles aux cordes, les cordes forment une croûte dure sur mes doigts. Chaque do, chaque sol bécarre, chaque si bémol est une paillette de plus sur la veste du jazz-band" (p.19) "En fait, les garçons du jazz-band sont des merveilles, surtout Ken Foley le tromboniste […] Une fois admis dans le jazz-band, on y reste jusqu'à la fin des études secondaires" (p.21) "L'épreuve consiste à jouer Take the A train avec l'orchestre en y incorporant un solo improvisé […] Je lève les yeux pour penser à ma veste en paillettes du jazz-band" (p.44) "Je continue à jouer avec le jazz-band pendant que l'idée d'étendre mon activité musicale prend racine en moi […] Mais les filles saxophonistes, trompettistes, trombonistes ne sont pas encore nées, ou du moins, pas à ma connaissance […] Je décide donc de faire avec ce que j'ai et mon ensemble de jazz se trouve à mi-chemin entre un quatuor à cordes, un quintette mozartien et un méli-mélo de premier ordre" (p.81) "Joe sort son saxo de sa boîte et se met à jouer Silent night" (p.116) "Je suis à bout de forces quand les juges nous déclarent lauréats du concours de boogie woogie" (p.161) "Le Jersey Jazzy All Girls Four a un emploi du temps rempli" (p.162).

#0037 Barry HANNAH


Geronimo Rex décrit, dans les années 1958-1965, l'adolescence, puis le passage à l'âge d'homme du jeune Harry Monroe. Il habite une bourgade dans le sud du Mississipi. Le contremaître noir de la scierie, qui dirige la fanfare locale, a une admiration éperdue pour Sousa et ses marches solennelles mais n'a que mépris pour le jazz, une musique de nègres.
HANNAH Barry, Geronimo Rex (Geronimo Rex), 1970, Gallimard 2000, Trad. Philippe Mikriammos
Notes: "On avait là une formation musicale qui vous interprétait des marches de Sousa à faire s'entrechoquer les cieux" (p.16-19) "Toute l'importance que Jones accordait à la musique de ce John Philip Sousa, compositeur de marches aussi monumentales que Stars and stripes forever, Washington post et une tapée d'autres […] en exclusivité dans un cinéma de Pennsylvania Avenue, Stars and stripes forever, l'histoire de la vie de John Philip Sousa Avec Clifton Webb […] Sousa dirigeait un orchestre de musiciens en luxueux uniformes blancs dans une rue de Pennsylvanie […] Un certain nègre hurleur de rock and roll, originaire de Georgie et répondant au nom de Little Richard […] Si c'est pour moi, pas la peine de passer ces gémissements sur ton appareil ! -C'est Fats Domino. -J'te dis que j'veux pas entendre ça ! -Fats Domino est de la Nouvelle Orleans […] D'un gros haut parleur installé sur une console en bois de pécan sur la plage arrière, pour entendre des types comme Elvis, Mickey et Sylvia, Little Richard et Fats Domino […] J'écoutais Elvis et Fats grogner sur tous les tons" (p.36-43) "Le jazz c'est ramer vers l'enfer dans une barque taillée dans un cul de nègre (sic !) […] Il me répondit qu'il aimait la marche de Lohengrin, celle d'Aïda, les marches de Purcell, diverses marches britaniques et françaises, à peu près toutes les marches récentes, mais plus que tout, John Philip Sousa" (p.116) "Il s'agissait de Mose Allison, un type blanc de Tippo, Mississipi, qui chante comme un noir plus que n'importe quel non-noir au monde […] Cette chanson était chantée par un blanc qui fit croire qu'il est de couleur. Il s'appelle Mose Allison. Butte n'en revient pas. Un blanc qui fait comme si il était de couleur ! Un homme qui s'est vu accorder la même race et le même héritage culturel que John Philip Sousa" (p.122) "Près de la cheminée, les pulsations du rock and roll (Ray Charles dans What'd I say et Sticks and stones) sortaient d'un haut-parleur aussi grand qu'une bouche de nègre géant" (p.132) "En écoutant Sonny Stitt sur le phono, je pensai à Adolphe Sax, l'inventeur du saxophone. Puis j'écoutai David Newman, saxophoniste de l'orchestre de Ray Charles. Quelle histoire tout de même, d'avoir inventé l'instrument à vent qui parle !" (p.209) "Bobby Blue Bland cassait la baraque avec son Letcha light shine ! Qu'a bien pu devenir Bobby Blue Bland ?" (p.214) "Jusqu'à présent, nous avions eu droit à du Count Basie arrangé, mais sans recherche, sur des rythmes de marche" (p.234) "La station colorée de Jackson, sur laquelle on entendait B. B. King et quantité d'autres maîtres de la gratte et de l'anche" (p.247).
Et un petit supplément de Spéciales Littérature et Jazz: "J'avais le jazz, des milles et des milles de blues, et une piste sans fin de rythme en moi […] Moi, quand j'en avait envie, je jouais simplement du jazz, je jouais le blues fort et mouillé, porte grande ouverte […] Nous faisons simplement de la musique de jazz. Ce garçon a mis une sourdine sur sa trompette et joue merveilleusement […] Pourquoi, pourquoi, pourquoi diable a-t-il fallu que tu te mettes à penser en plein milieu du meilleur jazz que tu aies jamais joué ? […] Les musiciens montaient la garde sur le moelleux de l'ambiance, même quand ils jouaient du bop. Je notai que le trompettiste faisait pas mal de fausses notes, mais elles passaient inaperçues grâce à sa sourdine métallique (sic !)" Et il y en a plein des phrases comme cela !

#0036 Noël BALEN


BALEN Noel, La musique adoucit les meurtres, 1987, Liana Levi. ReEd en deux volumes aux Editions Mille et une Nuits
Une gamme de nouvelles noires, brutales et tendres, orchestrées dans un violent crescendo. La musique, souvent Classique mais toujours présente, accompagne l'écriture. Noël Balen, contrebassiste et compositeur est né en 1959. Chroniqueur à Jazz Hot. Son premier livre avec quatre nouvelles jazz.
In a sentimental blue (4 pages) "On roulait peinard entre Agde et Sète. […] Une cassette de Count Basie. In a sentimental blue […] In a sentimental blue […] L'air sale et le piano de Count Basie. In a sentimental blue […] Elle m'a demandé la cassette de Basie. In a sentimental blue […] In a sentimental blue. Le big band de trompettes criardes et de saxos rutilants. L'air sale et le piano de Count Basie. In a sentimental blue" (sic ! Citations in extenso. Tout cela en 4 pages!)
33 tours et puis s'en vont (16 pages) "les fiches qu'il avait classées la veille au soir. Lettre K, entourée d'un rond vert, sur bristol 12,5x20 à petits carreaux…KE…Kenton…K…Kessel Barney…KI…KIN…King Albert, King B. B., King Freddy…Kirby John, Kirk Roland […] Devait-il le classer à la lettre N juste entre Nanton Tricky Sam (tb) New York City NY 1904-1948 et Navarro Fats (tp) Keywest FL 1923-1950 ? […] Aucun doute possible, juste entre Cole Cosy et Coleman Bill […] COLE "NAT" KING Montgomery Alabama 1917-1965 […] Le dernier Jazz Hot, Miles Davis en couverture […] j'ai eu du mal, mais j'ai fini par trouver le King Cole que vous m'aviez demandé, The touch of your lips, chez Capitol ? -Oui, je vous l'ai dégotté en pressage original ça n'a pas été facile. Par contre, pour The fox d'Harold Land, je l'ai trouvé seulement en réédition chez Contemporary […] Tenez vous bien, un West coast all stars introuvable avec Frank Rosolino, Jimmy Rowles, Shelly Manne et compagnie, The jazz skyline de Milt Jackson, un original de 56, entièrement neuf, jamais écouté, et alors là, attention! le fameux Anita O'Day, enregistré à Chicago […] Son regard noyé d'admiration et de reconnaissance, glissa sur le reflet glacé de la pochette, la tête renversée d'Anita O'Day, sa bouche ouverte sur l'éternité […] Le grand orchestre d'Eddie Barclay, arrangements de Quincy Jones avec Kenny Clarke, Don Byas et Lucky Thompson […] Je l'ai déjà entendu, y'a même Grapelli dedans […] en classant mes King Cole, je me suis aperçu qu'il manquait Just one of those things, c'est un Capitol de 57, arrangé par Billy May […] j'ai entendu parler d'un pirate avec des inédits de Mingus en trio avec Farlow et Norvo […] prêt à échanger tous les anciens numéros de la revue Metronome contre l'intégrale en 78 tours du Quintet du Hot Club de France […] La guitare suave d'Herb Ellis balbutia une phrase de bienvenue troublée et la voix de cristal pur d'Anita O'Day s'illumina, scintillante […] La sophistication gouailleuse du scat d'Anita O'Day se perdait dans les grains d'arpèges du pianiste […] Rubrique White Women Singers. Il parcourut très vite l'alignement resseré des disques étiquetés et s'arrêta net sur Trav'lin' light V-62157 […] La photo, rongée par la semence acide et corrosive de Benjamin, laissait apparaître entre deux boursouflures grotesques le visage vitriolé d'Anita O'Day"
Chorus (4 pages) "Une audition. Jouez moi un truc rapide dans le genre Bernie's tune […] Clé de Sol. 4 - 4. Ré mineur (etc. Description du chorus par l'interprète)"
Lena's blues (23 pages) "avant de s'arrêter sur un clip de Stevie Wonder, Do I do…What I do […] Little Stevie et sa rangée de dents blanches […] au rythme de la basse ronflante de Nathan Watts […] Do I do…Love tooo you […] Do I do Dizzy Gillespie en plein chorus à côté de Stevie […] croyait reconnaître un morceau de Marvin Gaye […] Sexual healing… get up, wake up, wake up. Oui, c'était bien Marvin Gaye […] Baby I got sick this morning… I want sexual healing… get up, get up !. C'était ça aussi l'Amérique, une certaine idée de la musique […] elle préférait lire Down Beat. A la rubrique Spectacles. On annonçait un concert exceptionnel de l'Art Ensemble Of Chicago au Carnegie Hall. Intéressant. Les frères Marsalis avaient joués la semaine dernière au Sweet Basil, Bobby Mc Ferrin était venu les rejoindre sur scène. Il y avait aussi un article sur Chico Freeman et Don Cherry pour un éventuel passage au Blue Note […] reprit la lecture de Down Beat. Dimanche prochain, il y aurait une célébration de Mahalia Jackson à St Peter church, l'église même ou fut célébré l'enterrement de Thelonious Monk le 22 fevrier 1982 […] Autumn in New York - Why does it seem so inviting. Ré, do, si b, sol, fa. Autumn in New York. Mais comment n'y avait-elle pas pensé ? It's Autumn in New York - That brings the promise of new love […] Elle avait relevé la grille d'accords sur ce vieux disque de Billie Holiday. Un Verve de 1952. Oscar Peterson au piano, Barney Kessel à la guitare, Ray Brown à la basse, J. C. Heard à la batterie. Et Billie Holiday, une fleur blanche dans les cheveux. Autumn in New York - It's good to live it again […] Autumn in New York - The gleaming rooftops at sundown […] Autumn in New York - You'll need no castles in Spain […] Autumn in New York - It's good to live again […] Autumn in New York - Lovers that bless the dark - On benches in Central Park - Autumn in New York […] Autumn in New York - It's good to live…again […] l'homme (l'assassin) refrapperait à l'automne prochain. Il suffisait d'attendre l'automne à New York. Ré, do, si b, sol, fa"

#0035 Alessandro BARICCO


Novecento n'a jamais connu d'autre univers que la mer. Devenu pianiste sur ce bateau dont il ne descend jamais, il en devient un rouage et n'existe qu'a travers lui. Virtuose, enflammant les Roaring Twenties, défiant Jelly Roll Morton, Novecento joue une musique jamais entendue, merveilleuse, à laquelle il restera lié pour l'éternité. Toute la vie du pianiste Novecento, racontée par son ami trompettiste, depuis sa découverte sur le bateau dans une boite en carton posée sur un piano, agé de quelques jours, à sa mort plus de 30 ans plus tard, toujours sans avoir quitté le bateau. Episode jazzante lors de la rencontre avec Jelly Roll Morton venu le défier après avoir connu sa réputation.
BARICCO Alessandro, Novocento pianiste. Un monologue (Novocento, un monologo), 1994, Mille et une Nuit 1997, Trad Françoise Brun
Notes: "Avec ma trompette […] Et je me suis mis à jouer […] Et puis il m'a demandé: -C'était quoi ? -Je ne sais pas. -Quand tu ne sais pas ce que c'est, alors c'est du jazz […] On jouait du ragtime parce que c'est la musique sur laquelle Dieu danse quand personne ne le regarde. Sur laquelle Dieu danserait, s'il était nègre […] A la clarinette, Sam "Sleepy" Washington ! Au banjo, Oscar Delaguerra ! A la trompette, Tim Tooney ! Trombone, Jil Jim "Breath" Gallup ! A la guitare, Samuel Hockins ! Et enfin, au piano, Danny Broodman T. D. Lemon Novecento. Le plus grand […] Ce fut durant l'été 1931, que Jelly Roll Morton Monta sur le Virginian […] Quand il faisait des concerts, il écrivait sur les affiches: ce soir, Jelly Roll Morton, l'inventeur du jazz. Ce n'était pas juste une manière de dire, il en était convaincu […] Quelqu'un alla trouver Jelly Roll Morton et lui dit: il y a un type sur ce bateau, au piano il fait ce qu'il veut. Si il a envie, il joue du jazz, mais s'il n'a pas envie, il te joue un truc, c'est comme vingt jazz à la fois […] Jelly Roll commença à jouer. Ragtime. Il ne jouait pas, il glissait. C'était comme une combinaison de soie qui glisserait doucement le long du corps d'une femme, mais en dansant […] Jelly Roll termina en brodant de petites notes invisibles, tout là-haut, là-haut, à la fin du clavier, comme une petite cascade de perles tombant sur un sol de marbre […] Jelly Roll envoya un blues à faire pleurer un mécano allemand, tu aurais dit qu'il y avait tout le coton de tous les nègres du monde là-dedans, et que lui, il était en train de le ramasser, avec ces notes là"

#0034 Rafi ZABOR


ZABOR Rafi, Un ours à Manhattan (The bear comes home), 1998, Denoël 1999, Trad. Philippe Rouard
L'ours est un virtuose du saxophone et suscite l'admiration des plus grands jazzmen. Un New York jazzy ou l'on croise les grands du jazz. Un micro échantillon: "Pourquoi le jazz ? [...] je n'ai pas besoin de jouer une autre musique. Il y a assez de sagesse dans le be-bop pour en remplir toute une vie. C'est incroyable ce qu'il faut avoir appris, avant de sortir un seul chorus correctement. Ouais, il faut bien connaître la vie. Sans parler du saxo" (p.17) "s'il n'y a pas quelque lien profond et même fondamental entre l'espèce des ursidés et les musiciens de jazz en général ?" (p.30) Pensez à Bird, à Mingus, à Monk, et Jaki Byard, Steve McCall, Arthur Blythe. Dans ce roman, on aura le grand plaisir de croiser, outre ceux déjà cités, un quantité astronomique de musiciens: Julius Hemphill (à qui il est dédié), David Murray, Sonny Rollins, l'Art Ensemble, Fred Hopkins, Hilton Ruiz, Billy Hart, Charlie Haden, Carla Bley, Jack DeJohnette, et j'en passe. À Bowie, ce cher et regretté Lester;qui tient ici un rôle très important avec sa blouse blanche et son stéthoscope, le mot de la fin, la première fois qu'il rencontre l'Ours venu faire le bœuf au Tin Palace, il sourit, "J'adore [...] Et je sens que j'vais adorer ça cent fois plus encore quand j'aurai découvert ce que c'est [...] Cent putain de fois plus" (p.26-27).
En dehors de toutes les qualités jazz littérature indéniables de ce livre, et d'un point de vue purement littéraire, j'ai été très déçu. Je trouve vraiment dommage que l'Ours ait conclu avec Iris à la fin de la troisième partie. Jusque là, l'Ours était, pour moi, un être parfait et je ne m'étais jamais demandé comment il pouvait jouer du saxo avec ses griffes et sa gueule ni comment il pouvait dévisser le bouchon d'une bouteille ni mille autres choses qu'il faisait constamment. Je trouvais normal qu'un Ours fasse tout cela. Enfin, je ne me posais pas la question. La scène de l'Ours faisant l'amour avec Iris, me l'a brutalement rendu concret et m'a fait perdre l'Ours imaginaire auquel je m'étais très bien accoutumé et même attaché. Surtout que Zabor ne manque pas de détailler la scène pour nous dire comment c'est possible alors qu'il ne s'est jamais inquiété de nous expliquer comment était réalisable tout ce que faisait l'Ours, et ce n'est pas rien, avant ce coït ursidus. Pour moi, il y a eu une rupture à ce moment du roman et je dois avouer que j'ai eu du mal (pas trop) à reprendre la quatrième partie. Je suis tombé de haut avec cette découverte que l'Ours existait et qu'il pouvait avoir un comportement humain très banal. D'ailleurs, pour moi, la fin du roman m'est plus apparue comme l'histoire d'un musicien en tournée qui avait des problèmes conjugaux à régler que comme celle d'un Ours magique. Mes souvenirs des Ours (le vrai et le faux) de John Irving me sont revenus et dans les deux cas je n'avais eu cette sensation. Ils avaient gardés plus de mystère. Je pense pourtant que Zabor a lu Irving et que sa proposition de transport en side-car n'est peut être un clin d'œil qu'il lui fait. Je crois que Zabor à fait l'erreur de rompre la magie avec cette scène. A lire absolument malgré mes commentaires!

#0033 Hernan RIVERA LETELIER


RIVERA LETELIER Hernan, Mirage d'amour avec fanfare (Fatamorgana de amor con banda de musica), 1998, Metailie 2000, Trad. Bertille Hausberg
Roman Chilien. Elle joue du piano et enseigne la déclamation poètique, elle est toute délicatesse et sensibilité. Il est trompettiste de jazz dans les bordels de la région. Ils se sont rencontrés…
Notes: "Ils se rendraient tous à la Société Philarmonique pour y danser au rythme de la musique interprétée par le même orphéon transformé en joyeux jazz-band" (p.20) "première trompette dans le Royal Jazz-Band d'Antofagasta. L'un des meilleurs jazz-band du Nord […] il se mit à expliquer pourquoi il avait quitté le jazz-band […] Tandis qu'il jouait les mesures d'un one-step plein d'entrain" (p.76) "Quand il se mit à jouer, ses phrasés d'or puissants illuminèrent soudain l'atmosphère et remplirent de sonorités le local tout entier. L'air vibrait. Le pianiste, un mulâtre en frac à l'air maladif, retourna sur l'estrade pour essayer de le suivre au piano dans le meilleur style jazz" (p.83) "il parlait avec une admiration fanatique de King Oliver, -le plus grand trompettiste du moment-" (p.143) "Quand ils eurent fini le one-step […] Il lui parla ensuite de Ferdinand Joseph La Menthe, un pianiste plus connu dans le monde du jazz classique sous le nom de Jelly Roll Morton […] au point de se déclarer l'inventeur du jazz […] il avait perdu le seul disque de Morton qu'il avait réussi à se procurer, un solo de piano brillantissime, un véritable bijou. Pour les revues spécialisées de jazz, c'était la même chose: il les semait de tanière en tanière" (p.144) "Enlève au moins ton chapeau, lui dit-il, j'ai l'impression de tenir Jelly Roll Morton dans mes bras" (p.169).

#0032 Eddy L. HARRIS


HARRIS Eddy L., Harlem (Harlem), 1996, Liana Levi 2000, Trad. Christine Denizon
Harlem. Le seul bout de terre qui appartienne totalement aux Noirs en Amérique. Dans le bien et dans le mal. De plus en plus dans le mal. Ceci n'empêche pas le narrateur de cette chronique de retourner y vivre. Et de nous raconter, en remontant le temps.
Notes: "J'avais la sensation de marcher parmi les fantômes du passé de Harlem, d'être venu ici tout comme ils y étaient venus, comme Langston Hughes était venu et Duke Ellington était venu, et eux tous" (p.57) "En 1923 lorsque Duke Ellington y était venu pour la première fois […] On raconte que le Duke aurait quasiment rugi d'enthousiasme" (p.61) "Harlem était vraiment Harlem, temps d'avant guerre où le jazz était roi et Edward Kennedy Ellington le Grand Duc […] J'entends l'air dans ma tête sitôt que je mets les pieds dans le métro pour monter à bord de cette célèbre rame, le A Train, la musique de Billy Strayhorn, l'orchestre de Duke Ellington, la voix soyeuse d'Ella Fitzgerald" (p.99) "C'était, comme Duke Ellington s'était exclamé à son arrivée, un endroit tiré des Mille Et Une Nuits, un temps d'une surprenante animation, avec des fêtards et des noceurs incroyables" (p.115) "On avait pas la moindre envie d'y habiter, si on était Blanc, mais on voulait y aller: au Cotton Club, au Pod's and Jerry's Catagonia Club, à la Tillie's Inn, on voulait entendre l'orchestre de Duke Ellington, de Fletcher Henderson, ou Cab Calloway […] Quand nous pensons à Harlem, c'est ce mythe là qui nous vient à l'esprit, cette époque de nuits torrides et de jazz endiablé" (p.116).
Aussi cités: Ralph Ellison, Langston Hughes, J. W. Johnson, Marcus Garvey, Claude McKay, W. E. B. Du Bois, Nella Larsen, Alain Locke, Carl Van Vechten.

#0031 Marcel DUHAMEL


DUHAMEL Marcel, Raconte pas ta vie, 1972, Mercure de France
Plus de 600 pages de souvenirs en tous genres et aussi en jazz !
Notes: "Et pourtant, depuis que nous avons découvert le jazz New Orleans et Louis Armstrong, nous nous payons un véritable festival de 78 tours que nous nous cassons mutuellement sur la tête, une fois l'attrait de la nouveauté épuisé. Quand je pense que, des années plus tard, il me faudra faire des kilomètres à pied, aux Puces, chez les disquaires de banlieue (et même jusqu'aux foires à la ferraille d'Afrique du Nord, quand je passerai par là) pour en retrouver çà et là un exemplaire éraillé" (p.169) "Où allons-nous ce soir ? Chez Bricktop, bien sûr. C'est Aragon qui est passé me prendre et qui m'emmène faire une virée à Montmartre. Car, pour les amateurs de vrai jazz, c'est encore là qu'opèrent les meilleurs orchestres de New Orleans, au Florence, au Plantation, au Grand Duke, au Zelly's. Le Grand Duke, c'est rue Pigalle, et c'est là que Bricktop reçoit. Elle danse, chante du folklore, des spirituals, accompagnée d'un unique et remarquable batteur, Buddy Gilmore. Et, par intermittence, d'un pianiste. Ne serait-ce pas Tony Jackson ? […] Et nous sortons de là ivres de blues et de gin, vers six heures du matin" (p.192) "Je prends le métro, le même soir pour me rendre à Harlem, capitale, entre autres, du jazz New Orleans […] Le cabaret Small's Paradise affiche une soirée de bienfaisance avec une demi-douzaine d'orchestres, dont Armstrong, Henderson, Ellington, etc. […] Chez Small's, c'est bourré. Fletcher Henderson et son ensemble mettent le feu à la baraque. Un serveur, entre deux tours de locomotive-claquettes autour de la piste, son plateau à bout de bras, me colle à une petite table […] Les orchestres se relayent toutes les dix minutes. Les numéros aussi. Le public est presque uniquement noir. Un couple, installé dans un box, agite un billet en direction de la chanteuse de blues qui, ausitôt, vient chanter pour eux. Comme dans toutes les boites, avec cette différence qu'un extraordinaire numéro de claquettes dansé par deux gosses d'une dizaine d'années, remplace illico sur la piste la chanteuse qui continue de pousser son blues pour la clientèle privée […] Le surlendemain, je me retrouve seul à une table, au Small's Paradise. Le Blues, le Shimmy, le Boogie et le Charleston, je m'en fourre jusque-là. J'en fais provision pour le reste de mes jours" (p.227-229) "Aucun doute, la première revue nègre au théatre de Champs Elysées date de 1925. Pas question de manquer ça. Et ça vaut la peine. Dans des décors de Paul Colin, le ballet des girls, du miel à l'ébène, avec Joséphine Baker simple exécutante, vêtue -mais qui l'ignore encore- d'un régime de bananes, qui frétille du panier avec frénésie et, sur un fond de goudron noir, l'apparition de Sidney Bechet poussant une voiture des quatre saisons en jouant Tin roof blues sur son saxo" (p.244) "(au Bal Nègre, rue Blomet) La clarinette de Léardet vous éclate en pleine poire, pétillante comme des trilles d'alouette dans un champ de pâquerettes, et comment résister à cette sirène ? […] Sam Castendet, ou Léardet, ou Exotic Jazz, tous Antillais […] Le rythme atteint son paroxysme, éliminant insensiblement les Blancs de la piste et pour le quadrille que tout le monde attend, seuls quatre couples restent face à face. Finalement, les femmes abandonnent elles aussi, laissant s'affronter quatre Noirs ruisselants de sueur, possédés par l'orchestre et par la clarinette de Léardet comme par la flute enchantée" (p.364-366) "Avec Henri Filipacchi, on court Paris et sa banlieue, à la recherche de disques de jazz. Les disquaires étant à sec, restent les brocanteurs, les marchés aux puces et même la Foire à la Ferraille […] Mais c'est, la plupart du temps, non des Armstrong Okeh d'origine (ou alors hors d'usage) mais des disques des vedettes du Caf'Conc […] Encore du Lombardo. Et puis, en dessous, le pactole: une dizaine d'originaux de New Orleans, Armstrong, Cotton Pickers, Blue Bmowers, Bix, etc. […] Il lui arrive fréquemment d'improviser des concerts de jazz pour les amis, avec, par exemple, le violoniste Stéphane Grapelly, un pianiste, un clarinettiste, etc. […] Je repére dans un coin un personnage de trente-trente-cinq ans, moustache et tignasse noires, un peu dégarni sur les tempes, assis tout timide avec, au pied de sa chaise, une boîte à guitare. Il écoute puis, lentement, prend la boîte, l'ouvre, en sort son instrument, pince quelques notes et, soudain, se décide et accompagne Night and day, le solo de Grappelly, comme s'il n'avait fait que ça toute sa vie. C'est Django. désormais, ils ne joueront plus l'un sans l'autre" (p.475-476).