#0034 Rafi ZABOR


ZABOR Rafi, Un ours à Manhattan (The bear comes home), 1998, Denoël 1999, Trad. Philippe Rouard
L'ours est un virtuose du saxophone et suscite l'admiration des plus grands jazzmen. Un New York jazzy ou l'on croise les grands du jazz. Un micro échantillon: "Pourquoi le jazz ? [...] je n'ai pas besoin de jouer une autre musique. Il y a assez de sagesse dans le be-bop pour en remplir toute une vie. C'est incroyable ce qu'il faut avoir appris, avant de sortir un seul chorus correctement. Ouais, il faut bien connaître la vie. Sans parler du saxo" (p.17) "s'il n'y a pas quelque lien profond et même fondamental entre l'espèce des ursidés et les musiciens de jazz en général ?" (p.30) Pensez à Bird, à Mingus, à Monk, et Jaki Byard, Steve McCall, Arthur Blythe. Dans ce roman, on aura le grand plaisir de croiser, outre ceux déjà cités, un quantité astronomique de musiciens: Julius Hemphill (à qui il est dédié), David Murray, Sonny Rollins, l'Art Ensemble, Fred Hopkins, Hilton Ruiz, Billy Hart, Charlie Haden, Carla Bley, Jack DeJohnette, et j'en passe. À Bowie, ce cher et regretté Lester;qui tient ici un rôle très important avec sa blouse blanche et son stéthoscope, le mot de la fin, la première fois qu'il rencontre l'Ours venu faire le bœuf au Tin Palace, il sourit, "J'adore [...] Et je sens que j'vais adorer ça cent fois plus encore quand j'aurai découvert ce que c'est [...] Cent putain de fois plus" (p.26-27).
En dehors de toutes les qualités jazz littérature indéniables de ce livre, et d'un point de vue purement littéraire, j'ai été très déçu. Je trouve vraiment dommage que l'Ours ait conclu avec Iris à la fin de la troisième partie. Jusque là, l'Ours était, pour moi, un être parfait et je ne m'étais jamais demandé comment il pouvait jouer du saxo avec ses griffes et sa gueule ni comment il pouvait dévisser le bouchon d'une bouteille ni mille autres choses qu'il faisait constamment. Je trouvais normal qu'un Ours fasse tout cela. Enfin, je ne me posais pas la question. La scène de l'Ours faisant l'amour avec Iris, me l'a brutalement rendu concret et m'a fait perdre l'Ours imaginaire auquel je m'étais très bien accoutumé et même attaché. Surtout que Zabor ne manque pas de détailler la scène pour nous dire comment c'est possible alors qu'il ne s'est jamais inquiété de nous expliquer comment était réalisable tout ce que faisait l'Ours, et ce n'est pas rien, avant ce coït ursidus. Pour moi, il y a eu une rupture à ce moment du roman et je dois avouer que j'ai eu du mal (pas trop) à reprendre la quatrième partie. Je suis tombé de haut avec cette découverte que l'Ours existait et qu'il pouvait avoir un comportement humain très banal. D'ailleurs, pour moi, la fin du roman m'est plus apparue comme l'histoire d'un musicien en tournée qui avait des problèmes conjugaux à régler que comme celle d'un Ours magique. Mes souvenirs des Ours (le vrai et le faux) de John Irving me sont revenus et dans les deux cas je n'avais eu cette sensation. Ils avaient gardés plus de mystère. Je pense pourtant que Zabor a lu Irving et que sa proposition de transport en side-car n'est peut être un clin d'œil qu'il lui fait. Je crois que Zabor à fait l'erreur de rompre la magie avec cette scène. A lire absolument malgré mes commentaires!

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