#0035 Alessandro BARICCO


Novecento n'a jamais connu d'autre univers que la mer. Devenu pianiste sur ce bateau dont il ne descend jamais, il en devient un rouage et n'existe qu'a travers lui. Virtuose, enflammant les Roaring Twenties, défiant Jelly Roll Morton, Novecento joue une musique jamais entendue, merveilleuse, à laquelle il restera lié pour l'éternité. Toute la vie du pianiste Novecento, racontée par son ami trompettiste, depuis sa découverte sur le bateau dans une boite en carton posée sur un piano, agé de quelques jours, à sa mort plus de 30 ans plus tard, toujours sans avoir quitté le bateau. Episode jazzante lors de la rencontre avec Jelly Roll Morton venu le défier après avoir connu sa réputation.
BARICCO Alessandro, Novocento pianiste. Un monologue (Novocento, un monologo), 1994, Mille et une Nuit 1997, Trad Françoise Brun
Notes: "Avec ma trompette […] Et je me suis mis à jouer […] Et puis il m'a demandé: -C'était quoi ? -Je ne sais pas. -Quand tu ne sais pas ce que c'est, alors c'est du jazz […] On jouait du ragtime parce que c'est la musique sur laquelle Dieu danse quand personne ne le regarde. Sur laquelle Dieu danserait, s'il était nègre […] A la clarinette, Sam "Sleepy" Washington ! Au banjo, Oscar Delaguerra ! A la trompette, Tim Tooney ! Trombone, Jil Jim "Breath" Gallup ! A la guitare, Samuel Hockins ! Et enfin, au piano, Danny Broodman T. D. Lemon Novecento. Le plus grand […] Ce fut durant l'été 1931, que Jelly Roll Morton Monta sur le Virginian […] Quand il faisait des concerts, il écrivait sur les affiches: ce soir, Jelly Roll Morton, l'inventeur du jazz. Ce n'était pas juste une manière de dire, il en était convaincu […] Quelqu'un alla trouver Jelly Roll Morton et lui dit: il y a un type sur ce bateau, au piano il fait ce qu'il veut. Si il a envie, il joue du jazz, mais s'il n'a pas envie, il te joue un truc, c'est comme vingt jazz à la fois […] Jelly Roll commença à jouer. Ragtime. Il ne jouait pas, il glissait. C'était comme une combinaison de soie qui glisserait doucement le long du corps d'une femme, mais en dansant […] Jelly Roll termina en brodant de petites notes invisibles, tout là-haut, là-haut, à la fin du clavier, comme une petite cascade de perles tombant sur un sol de marbre […] Jelly Roll envoya un blues à faire pleurer un mécano allemand, tu aurais dit qu'il y avait tout le coton de tous les nègres du monde là-dedans, et que lui, il était en train de le ramasser, avec ces notes là"

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