#0049 Simone de BEAUVOIR


Journal de voyage de 4 mois en Amérique en 1947 avec une approche très naïve (pour rester poli). Un peu de musique, de politique, de tourisme et beaucoup d'énormes énormités.
BEAUVOIR Simone de, L'Amérique au jour le jour, 1948, Paul Morihien / ReEd. Gallimard & Folio N°2943
Notes; "Ils (les noirs) dansent comme il leur est naturel de danser, il faut une parfaite détente intérieure pour se laisser si totalement posséder par la musique et le rythme du jazz […] J'écoute le jazz, je regarde la danse […] Le Savoy est le plus grand dancing de New York, c'est à dire du monde […] Et ce jazz est peut être le meilleur du monde […] Quand j'entendais du jazz à Paris, quand je voyais danser des noirs, l'instant ne se suffisait jamais tout à fait à lui-même, il m'annonçait autre chose, une réalité plus achevée dont il n'était qu'un incertain reflet" (p.42-43) "Nous avons été d'abord 52° rue chez Billie Holiday. Un public clairsemé écoute un orchestre sans éclat en attendant que Billie chante […] On raconte qu'elle se drogue et qu'elle ne chante plus que rarement […] Il paraît que l'an dernier le jazz était de première qualité" (p.48) "J'écoutais à Paris l'orchestre de Don Redman […] Carnegie Hall […] Armstrong apparaît au milieu des applaudissements frénétiques […] Mais Armstrong se fait vieux. A présent il ne joue plus guère que dans des buts commerciaux avec un de ces orchestres trop vastes où l'intimité et la vérité du jazz se perdent […] Et le public accueille avec autant d'enthousiasme cette musique pour diners dansants que le jazz authentique" (p.55-56) "Le blanc ne joue pas assez hot et le noir lui met la main sur le bras en roulant des yeux suppliants: plus vite !" (p.195) "New Orleans […] mais ce que nous désirons c'est entendre du vrai jazz joué par des noirs; ou n'y en a-t-il plus en Amérique ? […] Tout de suite nous sommes prises, cette musique ne ressemble en rien à celle de Café Society, ni même à celle de Harlem, les trois noirs jouent avec passion, pour eux mêmes […] ils nous font penser au jeune homme à la trompette de Dorothy Baker, ils sont sans doute de ces jeunes gens qui étouffent dans la civilisation américaine et pour qui la musique noire est une porte d'évasion" (p.218-220) "C'est ici, dans ces boites modestes, chez ces musiciens inconnus, que le jazz, plus qu'a Carnegie Hall ou même au Savoy, atteint une vraie dignité" (p.223) "Nous écoutons du vieux jazz, des Louis Armstrong de la grande époque, des airs de Bessie Smith, la chanteuse noire qui mourut des suites d'un accident d'automobile parce qu'on refusa de l'admettre dans un hopital blanc" (p.256) "Nous emmène entendre sur la 52° rue le trompette Sydney Bechet (sic ! c'est pas tombé loin !). C'est un des derniers musiciens qui joue dans le pur style de la Nouvelle Orleans; il a été célébre en Amérique, il a joué aussi en France à Paris, il a tué un autre musicien noir au cours d'une rixe; il a fait une année de prison au cours de laquelle ses cheveux sont devenus tout blancs, c'est aujourd'hui un vieil homme au visage raviné […] Mais Bechet ne pouvait rêver un public plus digne de son génie que la femme au visage noir, au tablier blanc qui apparaît de temps à autre par une petite porte derrière l'estrade. C'est sans doute la cuisinière […] en la regardant on comprend mieux encore la grandeur du jazz qu'en entendant Bechet même […] Mais ce qu'on lui sert ce n'est jamais du jazz, c'est du Sinatra ou du Bing Crosby, ce sont ces mélodies sucrées qu'on appelle sweet music et qui sont aussi douceâtres que les sweet potatoes […] ceux mêmes qui prétendent aimer le vrai jazz le dénaturent; et comme les noirs ne gagnent leur vie que par la clientèle des blancs, ils se font nécessairement complices de cette perversion. Quand on compare Bechet, ou les petits orchestres de New Orleans, ou les vieux disques d'Armstrong et Bessie Smith avec le jazz qui est en vogue aujourd'hui, on se rend compte que les Américains ont peu à peu vidé cette musique brûlante de tout son contenu humain et sensible […] Ce qui plait aux Américains dans le jazz, c'est que le jazz manifeste l'instant; mais comme pour eux l'instant est abstrait, c'est aussi une manifestation abstraite qu'ils réclament, ils veulent du bruit, des rythmes, rien de plus, il se peut que bruits et rythmes soient orchestrés avec art, avec science, de manière qu'indéfiniment le présent renaisse de sa mort, mais le sens du vieux jazz est perdu. A. E. me dit que la forme la plus récente du jazz, le be-bop, manifeste encore plus clairement cette divergence" (p.257-260) "Possèdent un magnifique pick-up et une immense collection de disques où le vieux jazz prédomine comme chez tous les intellectuels que je connais (p.263) "A minuit, je retourne entendre avec N. le trompette Sidney Bechet (sic, c'est le même !). Un de ses jeunes admirateurs blancs joue du saxophone à ces côtés" (p.272) "Même Josh White, quand je l'entends de nouveau au Café Society, je me rends compte que son audace est tempérée par un tact sur, il se maintient soigneusement sur le terrain où un public libéral peut risquer de s'aventurer; comment ferait-il autrement, il a une femme et trois enfants, il faut qu'il plaise, s'il mettait son vrai cœur à nu il n'aurait plus qu'a aller cirer les souliers au coin des rues" (p. 308) "parmi les musiciens blancs qui ont su s'assimiler (sic !) la musique noire, beaucoup sont Juifs. Ce n'est pas un hasard si Mezzrow qui vécut à Harlem après avoir épousé une femme noire, et qui ne voulait fréquenter que des noirs était Juif (sic ! Mezzrow était Juif ? Je croyais qu'il était clarinettiste !)" (p.314) "l'orchestre joue ce jazz nouveau: le be-bop. Les blancs s'empressent de défigurer ce que les noirs inventent, et les noirs reprennent docilement à leur compte ces déformations. Les musiciens jouent ici un jazz qui, au lieu de s'inscrire dans la tradition de New Orleans comme le be-bop originel, n'est que l'expression haletante, exaspérée de la fièvre New Yorkaise […] si bien que ces nigger-lovers, comme les appelleraient les gens du Sud, sont pour la plupart des aigris, des malades, des individus névrotiques, des faibles rongés de complexe d'infériorité. Que Mezzrow aille vivre à Harlem et préfère systématiquement les noirs aux blancs relève de cette attitude. Richard Wright la trouve néfaste" (p.340-341) (sic ! je fatigue, je vais me taper un petit noir ! Simone m'a tuer !).

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