#0067 José André LACOUR


LACOUR Jose André, Venise en octobre, 1958, Le Cri / ReEd. Julliard
Un saxophoniste à Venise…
Notes: "Ceci est l'histoire de Bobby Saxalto, un garçon qui voulait aller à Venise en octobre. Il jouait du saxophone et c'est pourquoi on l'avait surnommé Bobby Saxalto, mais ce n'était pas son vrai nom. Il jouait merveilleusement, ses tempes se gonflaient et, de votre mémoire qui l'écoutait naissaient des songes terribles, comme lorsqu'on entendait jadis le vieux Bix Beiderbecke ou qu'on écoute, de nos jours par une nuit trempée d'étoiles et de regrets, Don Byas" (p.5) "Il suait et trépidait et il bramait Saint Louis blues ou The man I love avec la voix déchirée, rêche et trouée de Louis Armstrong, une voix tellement plus vieille que lui, une voix si lacérée par la vie, les années et la souffrance qu'on était saisi et inquiet qu'elle appartint à ce petit garçon blond et fade […] Il laissait Bobby achever seul, les yeux clos, le nez plissé au-dessus de son saxophone, la mélodie amère et angoissée qui les rassemblait tous" (p.37) "Il joua. Il jouait debout au pied du lit de Ma, sans perdre Ma de l'œil, ses tempes se gonflaient, et ses joues, il y mettait un cœur ardent et désespéré et jamais plus il ne joua Stormy weather comme ce jour-là. Jamais plus d'ailleurs, pendant des années et des années, il ne joua Stormy weather" (p.40) "Il joua merveilleusement, à vous arracher tripes, pleurs et cœur […] Vous autres spectateurs et clients et musiciens qui étiez dans cette petite boite de Pigalle, dans la fumée rougie, vous aviez le cœur fendu en regardant jouer ce garçon tremblant, à la jambe trop courte et aux tempes gonflées, si pâle mais si beau, qui oscillait dans sa musique, les yeux clos pour y sombrer et qui étouffait de tant d'amour, de tant d'espérance et de tant de chagrin. Et de votre mémoire naquirent alors des songes déchirants et terribles comme lorsqu'on entendait jadis le vieux Buddy Bolden ou que vous écoutiez, ce soir, par une nuit trempée d'étoiles et de regrets, Don Byas" (p.118-119) "J'aime tes disques. Gillespie. Charlie Parker. Charlie Parker The Bird. L'immortel Charlie Parker. Je joue du saxophone alto, comme lui, c'est pour ça qu'on m'a appelé Saxalto" (p.132) "J'ai apporté mon saxophone, chérie. Je veux jouer pour vous […] Il joua comme Charlie Parker jouait juste avant sa mort, c'est-à-dire merveilleusement. Il joua comme jouait Charlie Parker alors que les fines ombres de la mort descendaient déjà sur ses traits, à Chicago, et que Charlie s'évadait de son corps passionné, périssable" (p.144) "Il était là, se balançant lentement, jouant Saint Louis blues […] Car lorsqu'ils furent là, Saint Louis blues était devenu une marche funèbre, et ils s'arrêtèrent, le gendarme, la dame voilée et le gardien, car la musique qu'ils entendaient à présent, sourde et carressant les tombeaux silencieux, funèbre et pleurant des générations de morts, convenait au lieu. C'était si triste et si beau, cela venait d'un cœur si profond que plus personne, soudain, ne bougea, seulement ce chant qui saluait les bien-aimés" (p.147) "Un air vif et dansant, be-bop, un de ces airs à trompette qui galvanisent les os des jeunes gens éclata, les trompettes, les saxos et les rythmes rivalisaient d'enthousiasme" (p.203).
Aussi cités: Nat King Cole, Sinatra.

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