#0043 Jacques STERNBERG
De A à Z, sous forme d'abécédaire, voici des fragments d'une autobiographie, de l'enfance à l'an 2000. Avec du jazz, par un amateur. A lire même sans jazz… comme tout Sternberg.
STERNBERG Jacques, Profession: mortel. Fragments d'autobiographie, 2001, Les Belles Lettres
Notes: "puisque rien n'arrive plus à m'enthousiasmer alors qu'autrefois […] un haletant solo de Parker […] pouvait me rafaler jusqu'a l'ivresse de vivre et l'oubli de tout" (p.31) "les femmes qui ont quand même eu, dans ma vie, plus d'importance que le jazz" (p.33) "humour que je considère comme la seule révolution culturelle -avec la science-fiction et le jazz- de notre après-guerre" (p.52) "mon besoin de jazz qui me servait presque de came pour écrire" (p.53) "Même le jazz qui fut ma came pendant si longtemps ne me console plus. Mes trois mille disques demeurent sur mes étagères, muets, momifiés. Tout enthousiasme m'a quitté" (p.118) "Autrefois, il ne me serait jamais venu à l'esprit de sacrifier un disque d'Armstrong pour inviter une fille à diner ou d'hésiter entre un Lester Young et un lit de passe. Maintenant, cette question ne se pose même plus, je n'ai pas eu toutes les filles susceptibles de me faire encore bander, mais je possède tous les Armstrong et les Young capables de me faire rêver" (p.139) "J'ai mis très longtemps à réécouter du jazz quand j'ai complétement cessé de boire, même Parker, Armstrong, Lester Young, Coltrane, Ellington, Hawkins me laissaient froid" (p.154) "Et bien entendu, c'est encore le jazz qui reflète le plus exactement ce qui me fascine en littérature. J'ai idolâtré dès 1945 la fureur sonore boulimique d'Armstrong […] je me laisse emporter, cool and slow, au gré des volutes magico-neurasthéniques des Lester Young, Parker, Coltrane, Billie Holiday, mon quatuor morbide de choc" (p.168) "Ma passion culturelle la plus exaltante aura sans doute été celle du jazz. Elle remonte à mes 14 ans quand je ne manquais jamais de capter sur la petite radio de ma chambre l'émission de Ray Ventura dont le swing me faisait vibrer alors que j'ignorais encore l'existence du jazz noir américain. Il me faut attendre 1943 pour vibrer en écoutant un disque d'Ella Fitzgerald […] un vibrant solo de Louis Armstrong […] mes premiers 78 tours, des disques de Bechet, Ellington, Armstrong […] j'écrivis presque sans cesse au son du jazz […] ma ferveur et ma fascination pour les Parker, Young, Coltrane, Hawkins, Ellington, Henderson […] Et parmi mes 150 histoires brèves écrites ces dernières années, ce sont celles qui s'inspirent de la mer ou du jazz qui me tiennent le plus à coeur […] je n'ai jamais ressenti autant de fierté que le jour où un sévère critique de la grande presse s'émerveilla de retrouver dans mes romans délirants ce style haletant, inabouti, imprévisible qui rappelait celui de Parker. Ouais, ouais. Mais même si l'on retrouve parfois dans mes textes des entrelacements de phrases qui rappellent Charlie Parker, pour moi aucun jazzman n'aura jamais égalé celui que j'ai toujours admiré par dessus tout: Louis Armstrong, en particulier celui des années 26 à 30. Je ne vois pas quel écrivain aurait pu, comme Armstrong, cracher ses phrases avec une telle netteté, une telle évidence, une pareille fulgurance dans l'invention, en donnant à chaque mot une telle densité de tragique, tout cela pour se jouer avec une aisance royale des pires difficultés techniques. Et je ne comprenais que très mal comment un homme qui savait à peine déchiffrer une partition pouvait cracher dans un simple tuyau autant de sortilèges, d'invention, de dérapages fous d'une telle logique, d'envolées singulièrement libres et maitrisées dans la joie, la douleur, la colère ou la tendresse. Presque tous les autres trompettistes m'ont donné l'impression, par rapport à Armstrong, de jouer du clairon. Et peut-être que le solo hallucinant d'Armstrong sur le thème de Tight like this de 1928 demeure le chef-d'oeuvre de toute l'histoire du jazz. Pour moi, il plane, royal, au-dela de l'histoire de la musique" (p.236-238) "Chaque semaine, je ramenais à Paris mon butin: deux microsillons de jazz par jour, c'était le rythme d'achat que je m'étais imposé" (p.245) "Et mes disques, ça m'apporte quoi ces milliers de disques dont je connais par coeur les deux cents meilleurs et dont je n'ai jamais écouté qu'une seule et dernière fois tous les autres ?" (p.296).
Voir du même auteur #0010 "Histoires à mourir de vous" en cliquant ICI.
STERNBERG Jacques, Profession: mortel. Fragments d'autobiographie, 2001, Les Belles Lettres
Notes: "puisque rien n'arrive plus à m'enthousiasmer alors qu'autrefois […] un haletant solo de Parker […] pouvait me rafaler jusqu'a l'ivresse de vivre et l'oubli de tout" (p.31) "les femmes qui ont quand même eu, dans ma vie, plus d'importance que le jazz" (p.33) "humour que je considère comme la seule révolution culturelle -avec la science-fiction et le jazz- de notre après-guerre" (p.52) "mon besoin de jazz qui me servait presque de came pour écrire" (p.53) "Même le jazz qui fut ma came pendant si longtemps ne me console plus. Mes trois mille disques demeurent sur mes étagères, muets, momifiés. Tout enthousiasme m'a quitté" (p.118) "Autrefois, il ne me serait jamais venu à l'esprit de sacrifier un disque d'Armstrong pour inviter une fille à diner ou d'hésiter entre un Lester Young et un lit de passe. Maintenant, cette question ne se pose même plus, je n'ai pas eu toutes les filles susceptibles de me faire encore bander, mais je possède tous les Armstrong et les Young capables de me faire rêver" (p.139) "J'ai mis très longtemps à réécouter du jazz quand j'ai complétement cessé de boire, même Parker, Armstrong, Lester Young, Coltrane, Ellington, Hawkins me laissaient froid" (p.154) "Et bien entendu, c'est encore le jazz qui reflète le plus exactement ce qui me fascine en littérature. J'ai idolâtré dès 1945 la fureur sonore boulimique d'Armstrong […] je me laisse emporter, cool and slow, au gré des volutes magico-neurasthéniques des Lester Young, Parker, Coltrane, Billie Holiday, mon quatuor morbide de choc" (p.168) "Ma passion culturelle la plus exaltante aura sans doute été celle du jazz. Elle remonte à mes 14 ans quand je ne manquais jamais de capter sur la petite radio de ma chambre l'émission de Ray Ventura dont le swing me faisait vibrer alors que j'ignorais encore l'existence du jazz noir américain. Il me faut attendre 1943 pour vibrer en écoutant un disque d'Ella Fitzgerald […] un vibrant solo de Louis Armstrong […] mes premiers 78 tours, des disques de Bechet, Ellington, Armstrong […] j'écrivis presque sans cesse au son du jazz […] ma ferveur et ma fascination pour les Parker, Young, Coltrane, Hawkins, Ellington, Henderson […] Et parmi mes 150 histoires brèves écrites ces dernières années, ce sont celles qui s'inspirent de la mer ou du jazz qui me tiennent le plus à coeur […] je n'ai jamais ressenti autant de fierté que le jour où un sévère critique de la grande presse s'émerveilla de retrouver dans mes romans délirants ce style haletant, inabouti, imprévisible qui rappelait celui de Parker. Ouais, ouais. Mais même si l'on retrouve parfois dans mes textes des entrelacements de phrases qui rappellent Charlie Parker, pour moi aucun jazzman n'aura jamais égalé celui que j'ai toujours admiré par dessus tout: Louis Armstrong, en particulier celui des années 26 à 30. Je ne vois pas quel écrivain aurait pu, comme Armstrong, cracher ses phrases avec une telle netteté, une telle évidence, une pareille fulgurance dans l'invention, en donnant à chaque mot une telle densité de tragique, tout cela pour se jouer avec une aisance royale des pires difficultés techniques. Et je ne comprenais que très mal comment un homme qui savait à peine déchiffrer une partition pouvait cracher dans un simple tuyau autant de sortilèges, d'invention, de dérapages fous d'une telle logique, d'envolées singulièrement libres et maitrisées dans la joie, la douleur, la colère ou la tendresse. Presque tous les autres trompettistes m'ont donné l'impression, par rapport à Armstrong, de jouer du clairon. Et peut-être que le solo hallucinant d'Armstrong sur le thème de Tight like this de 1928 demeure le chef-d'oeuvre de toute l'histoire du jazz. Pour moi, il plane, royal, au-dela de l'histoire de la musique" (p.236-238) "Chaque semaine, je ramenais à Paris mon butin: deux microsillons de jazz par jour, c'était le rythme d'achat que je m'étais imposé" (p.245) "Et mes disques, ça m'apporte quoi ces milliers de disques dont je connais par coeur les deux cents meilleurs et dont je n'ai jamais écouté qu'une seule et dernière fois tous les autres ?" (p.296).
Voir du même auteur #0010 "Histoires à mourir de vous" en cliquant ICI.
2 commentaires:
Monsieur,
Je viens de créer un site dédié à l'oeuvre de Jacques Sternberg, decédé en Octobre 2006.
A ma connaissance c'est le seul d'ou son titre mais j'espère ne pas étre le dernier...
Le site s'appelle Jacques Sternberg en Solitaire, et on peut le trouver à:
http://jacques.sternberg.free.fr
Merci de m'aider à diffuser la nouvelle.
L'employé
Bonjour,
Je voulais vous signaler que La dernière goutte, éditeur, réédite le roman de Jacques Sternberg intitulé "Le Délit".
Toutes les informations sont disponibles sur notre site Internet:
www.ladernieregoutte.fr
Bien cordialement,
La dernière goutte
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