#0019 - Henry TROYAT
TROYAT Henri, La case de l'oncle Sam, 1948, La Table Ronde
Notes: "Allez donc au Savoy de Harlem. […] Lorsque l'orchestre se remit à jouer […] Possédés par le rythme, ils se trémoussaient avec une allégresse, une légèreté et une invention diabolique. Des anthropophages aux dentures de sucre faisaient virevolter à bout de bras d'impondérables loques noires, les jetaient loin d'eux, les rattrapaient, les passaient par-dessus leurs épaules, les supprimaient, les divisaient, les doublaient en un temps record. D'autres, presque immobiles et hiératiques devant leurs compagnes pétrifiées, paraissaient habités par un tremblement intérieur. au bout d'un moment, on s'apercevait que leurs genoux et leur ventre ondulaient doucement […] La mélodie syncopée fusait par les orteils, les coudes et les omoplates de cinq cents couples hystériques […] Très vite, j'eus le sentiment que les nègres du Savoy n'étaient pas assemblés là pour se distraire mais pour créer. J'assistais à une création collective et sans lendemain" (p.109-110) "Un chœur d'hommes et de femmes, massé derrière le pasteur, entonnait déjà une chanson grave et monotone, soutenue par les mugissements des grandes orgues. Les spirituals succédaient aux spirituals sans interruption, et toujours sur un rythme plus accéléré. Les voix pures et justes se mariaient en un seul fleuve noir. Des têtes se balançaient en cadences. Des mains battaient la mesure. J'entendis soudain un bourdonnement de tam-tam et remarquai que toute l'assistance tapait des pieds sur le sol pour accompagner la chanson. L'œil chaviré, la bouche ouverte, ma voisine sautillait sur place. Le vieux nègre, à ma gauche, frappait le banc avec le manche de sa canne. Puis il se mit à chanter. Toute la salle chanta" (p.203) "Un appareil à sous […] un air de musique diffusé par haut-parleur […] Mis en humeur par les accents du jazz, je décrétai même que nous finirions la soirée dans un Burlesque de Chicago" (p.289).
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