#0013 - Jacques HIGELIN


HIGELIN Jacques : Lettres d'amour d'un soldat de vingt ans, 1987, Grasset / ReEd. Le Livre de Poche N°6499
Amoureux d'une femme et du jazz…
Notes: "Nous allons essayer avec J. L., de réaliser un concert de jazz. Plusieurs formations allemandes nous ont donné leur accord. On est entré en relations avec le directeur de l'émission Jazz de Baden, qui nous donnera toutes facilités" (p.62) "Un orchestre de jazz allemand, vieux style Dixieland, joué par des jeunes de dix-sept, dix-huit ans (vous savez, à l'hotel des officiers où je vous jouais de l'Erroll Garner) […] J'ai fait du Higelin -sous -Fats Waller -sous Garner -sous Jazz moderne ! […] Le vieux style, c'est toujours très marrant, très sympathique. Ça a une odeur de phonographe à manivelle, terrible ! On était tous très contents de jouer ces vieux trucs: Saint Louis blues, When the saints go marchin' in, Struttin' with some barbecue (Sidney Bechet), Ain't misbehavin', Hey- ba- ba- re- bop (un morceau très swing de Lionel Hampton) […] Après, j'ai chanté le blues. Traditionnel, primitif ou moderne, c'est ce qu'il y a de plus beau dans le jazz. Le blues, c'est la joie, la tristesse de l'homme, ses histoires. C'est l'âme, le soleil noir du jazz. Que ce soit Big Bill Broonzy ou Miles Davis qui l'interprètent, ça reste pour moi ce qu'il y a de plus pur, de plus vital dans cette musique. Un type comme Miles ne recherche pas la virtuosité technique, les effets, il a quelque chose à dire. En l'écoutant, il nous vient une émotion forte, un sentiment d'insécurité. Sa musique souffre, elle a faim. Elle est chaude comme le bonheur et la misère des gens et, un jour, ils comprendront que c'est eux qui la lui ont inspiré" (p.71-72) "Tu as vu la bouille à Wes Montgomery (couverture de Jazz Hot), le guitariste: toute ronde, pleine de naïveté, de drôlerie et de gentillesse. Je ne l'ai jamais entendu, essaie d'écouter un disque de lui pour me dire ce qu'il donne. Il est classé actuellement comme le meilleur quitariste jazz, mais je me fie peu aux référendums. Si ce qu'on rapporte de John Coltrane est vrai, c'est un type très chouette […] Je regardais des photos de lui: belle tête, yeux purs et lucides, très humain, pas facile avec lui-même. Je suis sur que tout comme le mur du son, il y a un mur musical qui demande a être crevé. On dirait que Coltrane s'efforce contre ce mur, qu'il veut faire éclater, par un mouvement de puissance continu et acharné, l'écran musical de la sonorité et de la technique !" (p.88) "On fait du jazz New Orleans maintenant, à la caserne, le soir. J'ai réussi a embarquer cinq copains avec moi. on prend nos instruments et on va jouer dans les couloirs. Tous les vieux thèmes connus" (p.109) "Je vous envoie un disque sans savoir s'il vous plaira […] J'en avais repéré un autre, de Miles Davis, mais il m'est passé sous le nez. Sachez cependant que Bill Evans est l'arrangeur de Miles (l'un des arrangeurs-compositeurs les plus doués du jazz d'avant garde), de plus un excellent pianiste. Vous l'aviez d'ailleurs remarqué dans le disque de Miles, Kind of blues, que nous avions acheté à St Nazaire. C'est un bel exemple d'artiste et d'homme, secret et hypersensible. Il a gardé longtemps des partitions dans ses tiroirs et ne semble guère rechercher le succès ou une célébrité quelconque, seul un travail qui le laisse parfois enfermé, isolé avec son piano durant plusieurs jours, dormant et mangeant à peine. C'est sûrement cette sensibilité et cette conscience sincère et discrète qui lui ont valu le respect et l'amitié d'un M. Davis, d'un Charlie Parker, d'un Thelonious Monk, sans compter les autres vrais. Si vous en avez l'occasion écoutez les Double-Six. C'est le meilleur ensemble vocal de jazz européen. Ce qu'ils font dans leur domaine est très avancé et solidement arrangé" (p.125-126) "Quand je songe qu'il y a des types de vingt et un ans qui donnent déjà des concerts, que Charlie Christian fut un novateur dans le domaine de la guitare de jazz à vingt ans" (p.194) "Je me sens prêt, maintenant, à engager toutes mes forces au service de la musique. C'est une amante tellement généreuse, qui a si peu d'amants sincères et désintéressés, sauf dans le domaine du jazz, où se révèlent les plus purs de ses adorateurs, ceux qui l'aiment et la servent humblement, sans se donner en spectacle: M.Davis, Coltrane, Monk, Parker, Bud Powell, Mingus, Art Tatum et tant d'autres" (p.240).

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